CEUTA : LES HISTOIRES DERRIERE LES IMAGES CHOCS

Après l’arrivée de quelque 8 000 migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta la semaine dernière, plusieurs photos sont devenues virales sur les réseaux sociaux. Mais que cachent ces images qui ont fini de faire le tour du monde ? Liiquotidien revient sur quelques détails qu’InfoMigrants a fait ressortir.

L’étreinte entre un migrant subsaharien et une volontaire de la Croix-Rouge

Publiée le 20 mai, la photo de l’étreinte entre une bénévole de la Croix-Rouge et un migrant subsaharien a fait le tour du monde.

On peut y voir un jeune homme enlacer la volontaire après avoir traversé à la nage le bras de mer qui sépare l’enclave espagnole de Ceuta, du Maroc voisin. « Il pleurait, j’ai tendu la main et il m’a serrée dans ses bras », a raconté Luna Reyes, la volontaire, à la presse espagnole. L’homme a fondu en larmes en voyant que son frère, avec qui il avait fait le voyage, était inconscient sur la plage.

La Radiotélévision espagnole (RTVE) a retrouvé le jeune homme, renvoyé manu militari au Maroc après son débarquement à Ceuta. Abdou a 27 ans, il est originaire du Sénégal. Lui et son frère, dont il n’a plus de nouvelles depuis, sont orphelins et rêvaient de gagner l’Europe pour « commencer une nouvelle vie, une vie digne », explique-t-il depuis son appartement de Casablanca.

Le cliché d’Abdou et Luna, devenu viral, a déclenché une vague de messages sexistes et racistes sur les réseaux sociaux. Après avoir reçu des centaines d’insultes et des menaces de mort, la bénévole a été contrainte de mettre son profil Twitter en privé. Pour la soutenir, des internautes ont lancé le hashtag #GraciasLuna.

Le Sénégalais se dit reconnaissant envers la jeune femme, avec qui il a pu discuter via les journalistes espagnols. « Je ne pourrai jamais oublier son geste », a-t-il déclaré à la RTVE. Abdou ne comprend pas les attaques reçues par Luna après la publication de la photo. « Elle faisait juste son travail. [Son geste] m’a réconforté et m’a aidé. C’était un geste humain ».

Un jeune Marocain arrive en pleurs sur une plage de Ceuta équipé de bouteilles en plastique en guise de flotteurs

La photo, publiée le 19 mai, d’un jeune mineur marocain en pleurs dans l’eau face à la plage de Tarajal, à Ceuta, a également ému de nombreux internautes. Le garçon au visage juvénile a fait la traversée équipé de bouteilles en plastique accrochées à ses bras, en guise de flotteurs.

En voyant les soldats espagnols sur la rive, le garçon les a suppliés de ne pas le renvoyer au Maroc. « Essayez de nous comprendre, je ne veux pas revenir [au Maroc]. Ils vont me battre », a crié aux militaires le Marocain, en larmes.

Débarqué sur le sol espagnol, il a tenté d’escalader le mur séparant la plage de la ville mais a été récupéré par un soldat. Interrogé par l’agence de presse Reuters, ce dernier a déclaré que le garçon ne « voulait pas rentrer [dans son pays] car il n’a pas de famille. Il se fichait de mourir de froid. Il préférait mourir que de rentrer au Maroc ».

Les médias n’ont pas retrouvé la trace du Marocain. Environ un millier de mineurs sont arrivés à Ceuta ces derniers jours. Certains sont hébergés dans des centres d’accueil gérés par les autorités locales, d’autres errent dans les rues de l’enclave espagnole.

Un bébé secouru dans les eaux par un sauveteur espagnol

Une autre image a aussi été beaucoup partagée sur les réseaux sociaux. Publiée le 18 mai sur le compte Twitter de la Garde civile espagnole, elle montre un nourrisson sorti des eaux par un sauveteur, au large d’une plage de Ceuta.

Juan Francisco Valle, surnommé Juanfran, a déclaré à El Pais que le bébé âgé de deux mois était « raide et blanc » au moment de son sauvetage. « Il était glacial, il ne bougeait pas », continue-t-il, ne sachant pas « s’il était vivant ou mort ». D’après la presse espagnole, le nourrisson, désormais en sécurité dans un lieu tenu secret, est en bonne santé.

Le sauveteur âgé de 41 ans a également fait part à El Pais de sa stupeur à la vue de ces centaines de personnes en détresse en mer. « Notre travail habituel consiste à récupérer des cadavres en mer (…). Mais cette fois, nous avons dû secourir des personnes vivantes, de tout âge, et faire la distinction entre celles qui avaient le plus besoin d’aide », précise-t-il. Parmi les naufragés, il y avait de nombreux « pères et mères avec leurs enfants ligotés sur eux comme ils le pouvaient. »

Juan Francisco Valle dit avoir gravé dans sa mémoire « le regard des gens qu’ils ont dû aider ces derniers jours ». Le moment le plus difficile, explique-t-il encore, « était tôt le matin du mardi [18 mai], lorsque des dizaines de personnes d’origine subsaharienne ont sauté dans l’eau ». Le sauveteur raconte avoir eu du mal à distinguer ces migrants dans l’obscurité de la nuit. « On ne les a pas vus, on ne savait pas s’ils avaient des enfants », déplore le sauveteur.

Source : InfoMigrants