COMMENTAIRE : Défiance (Par Babacar DIONE)
Dans sa séance du 15 février, le conseil constitutionnel a décidé de casser le décret N 2024-106 du 03 février portant abrogation du décret convoquant le corps électoral pour l’élection présidentielle du 25 février 2024. Une décision qui annule le report de la Présidentielle déplacée à la date du 15 décembre prochain après l’adoption par l’Assemblée nationale, d’une proposition de loi déposée par le groupe parlementaire Liberté, Démocratie et Changement.
Le premier constat que suscite une telle décision est que le Conseil constitutionnel ne travaille pas en faveur de l’éclatement de la vérité malgré les accusations de corruption et de conflits d’intérêt qui pèsent sur deux de ses membres. Chose grave.
Les sept sages ne peuvent pas, en effet, faire fi de cette rocambolesque affaire qui ternit leur image. Déjà qu’un de leur membre, en l’occurrence le juge Cheikh Ndiaye, a porté plainte pour que lumière soit faite sur cette affaire. Au cœur d’un contentieux judiciaire, il n’a pas d’ailleurs daigner siéger ce 15 février. Cheikh Tidiane Coulibaly devait suivre son exemple. Il ne devait pas faire partie des 6 juges qui ont annulé la décision de report de la Présidentielle. On attendait également du Conseil constitutionnel la suspension de ses délibérations le temps de se blanchir voire redorer son blason.
Quelle image les acteurs politiques vont se faire désormais du juge de l’élection.
La justice sénégalaise qui se bat, tant bien que mal, pour jouer sa partition dans le processus de démocratisation de notre pays n’a pas besoin de ce revers.
CRISE INSTITUTIONNELLE
Comment dans ces conditions vouloir tourner la page et poursuivre le processus électoral. Comme pour dire aux Sénégalais : Circulez, il n’y a rien à voir.
Suivre la décision du Conseil constitutionnel, c’est aller à la Présidentielle avec les mêmes candidats sans aucune possibilité de réaménagement. Rose Wardini sera candidate avec sa double nationalité, Karim Wade sera out pour le même motif, malgré toutes les preuves qu’il a pu fournir.
Mêmes les concertations autour desquelles s’est mise d’accord toute la classe politique et même la communauté internationale n’a plus sa raison d’être. Selon le bon vouloir du Conseil constitutionnel qui a drastiquement restreint les marges de manœuvres du président Macky Sall.
S’il est vrai que le choix de la date de la Présidentielle lui revient toujours, le chef de l’Etat ne peut plus en principe rien changer dans les règles du jeu.
Le Conseil constitutionnel a imposé sa loi et a défié le président de la République. Ce dernier n’a pas encore réagi officiellement à cette décision. Mais déjà, Abdou Mbow, a déclaré que la commission d’enquête parlementaire dont il est président va poursuivre son travail. Ajoutant qu’aucun document prouvant l’ouverture d’une instruction judiciaire sur cette même affaire ne lui a été donné.
La crise institutionnelle évoquée récemment par le président Macky Sall, vient d’avoir effectivement lieu.
Babacar DIONE