L’Alliance des Forces de Progrès (AFP) a fêté ses 22 années d’existence sur l’échiquier politique sénégalais hier, mercredi 16 juin. Une occasion choisie par son secrétaire général national, Moustapha Niasse, pour confirmer son départ de la direction du parti, dès le prochain congrès prévu en 2022.

Par Babacar TOURE

Dans un grand boubou blanc, soigneusement assorti d’un bonnet multicolore, le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, s’introduit dans la permanence de l’Alliance des Forces de Progrès (Afp). Son parti politique. Nous sommes le 16 juin 2021. Et c’est un jour spécial. L’Afp fête ses 22 années d’existence sur la scène politique sénégalaise. Le jour symbolise l’«Appel» lancé un soir de 16 juin 1999 à Bujumbura, au Burundi, par Moustapha Niasse, et qui avait porté sur les fonts baptismaux son parti, l’Afp.

Sous les applaudissements de ses militants, dont le nombre est limité à cause de la pandémie, Moustapha Niasse marche vers le présidium. Un imperturbable sourire illumine son visage de grand père. Du haut de ses 64 années de vie politique, dont 22 à la tête de l’Afp, l’octogénaire ne se perd pas dans les salamalecs. Après quelques blagues glissées à l’endroit de la presse, qu’il qualifie de «premier pouvoir», Moustapha Niasse se lance. «Cette journée, annonce-t-il, est la journée des femmes et des jeunes».

Et de poursuivre : «Voilà 22 années que l’Alliance des Forces de Progrès existe. Cette alliance-là, comme l’arche de Noé, emporte dans ses flancs et sur ses plateaux, au milieu de l’océan et de la furie des eaux, un idéal. Cet idéal, c’est celui que l’on met au service de son pays, au service des populations africaines, en général, et sénégalaises, en particulier».

A la jeune génération de jouer

Vingt-deux (22) années d’existence. Chez les humains, l’âge confère la maturité. Mais à l’Afp, c’est l’heure d’une alternance générationnelle qui a sonné. Moustapha Niasse, après deux décennies de règne à la tête du parti, décide de léguer l’appareil à la «jeune génération». «Les personnes de mon âge sont prêtes à passer le flambeau à la jeune génération», a déclaré le natif de Keur Madiabel.

Son successeur ? Moustapha Niasse dit ne pas le connaitre. Pour lui, la prérogative de désigner le prochain secrétaire général incombe au parti. «L’Afp a enregistré plus de 600 cadres nationaux dans l’alliance nationale des cadres pour le progrès. Eh bien, croyez-mois, parmi eux, on peut trouver 60 à 70 hommes et femmes qui peuvent, chacune et chacun à son niveau, diriger l’Afp à ma place», rassure Moustapha Niasse.

C’est donc clair, l’homme que certains confondent à De Gaule est prêt à partir, après près d’un quart de siècle à la tête de l’Afp. Une vielle doléance satisfaite ? Peut-être. En tout cas, Moustapha Niasse annonce qu’en 2022, après les élections locales, le parti sera dirigé par une nouvelle équipe «jeune, dynamique et organisée» qui s’ouvre à la coopération avec toute bonne volonté susceptible de continuer leur travail. «La vie de l’Afp n’est pas liée à celle de son secrétaire général. Nous bâtissons un parti de l’avenir. Nous bâtissons un parti qui va durer autant que Dieu le voudra», laisse entendre le président de l’Assemblée nationale.

Quel bilan, après  22 années d’existence ?

«Le bilan est très flatteur», juge le président de la commission politique, Bouna Mouhamed Seck, qui a lu la déclaration de l’Afp. Et M. Seck de justifier : «parce que, dit-il, l’Afp a non seulement été au cœur des différentes alternances qu’a connu notre pays, mais elle est restée elle-même, en restant fidèle à l’esprit et à la lettre de l’Appel du 16 juin 1999».

En effet, l’Afp qui était arrivée troisième en 2000, avec 17% des suffrages, avait participé à la matérialisation de la première alternance, notamment en s’alliant avec Abdoulaye Wade pour faire tomber Abdou Diouf. Un apport qui avait valu à son leader, Moustapha Niasse, d’être nommé premier ministre. Un poste qu’il n’occupera pendant seulement onze (11) mois. Le parti retourne dans l’opposition et y végète pendant onze (11) ans.

En 2012, l’Afp participe également, avec le président Macky Sall, à l’avènement de la deuxième alternance. Et depuis lors, c’est Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale, qui est la deuxième personnalité de l’Etat. Un tableau qui fait, visiblement, la fierté des militants progressistes.

Des victoires, des combats gagnés, des exploits réalisés, des «complots déjoués», certes. Mais le bilan des 22 ans de l’Afp se résume-t-il à ce tableau lisse ? Evidemment non. Rappelons qu’à la veille de la dernière présidentielle, une vive polémique sur la candidature du parti avait fissuré les murs de l’appareil, notamment avec le départ de figures de proue comme, entre autres, Malick Gackou.

D’ailleurs, abordant cette question, Moustapha Niasse prend l’image d’un navire, pour illustrer la vie d’un parti politique. «Un parti, fait-il remarquer, c’est un paquebot qui quitte un port pour aller vers d’autres ports. Et ces ports-là, ce sont précisément les stades qui se succèdent en matière d’effort, de capacité d’invention, de capacité d’initiative, de capacité d’organisation avec méthode, persévérance et patience».

Sorti des flancs du parti socialiste à la fin des années 1990, l’Afp est l’une des formations politiques qui ont marqué la vie démocratique du Sénégal ces deux dernières décennies. Et alors qu’il s’apprête à partir, Moustapha Niasse se dit convaincu que la jeune génération de l’Afp peut bel et bien réussir ce qu’il n’a pas pu faire : diriger le Sénégal.