Abdoulaye Diop, alias Mbeur est tombé dans ce métier par hasard. Jeune talibé dans une école coranique de son village, il fut très tôt inspiré par les célèbres lutteurs Yékini et Mor Fadam au début des années 2000.
Alors jeune lutteur, des rêves plein la tête, il ne va cependant pas percer dans la lutte. «Au début des années 2000, j’ai même compéti dans le Claf, un tournoi de lutte organisé à l’époque par le promoteur Gaston Mbengue. Par la suite, je n’ai pas eu de contrat et il fallait que je gagne ma vie. Puisque je faisais des tatouages lors de mon temps libre, je me suis reconverti dans ce métier», conte-t-il.
Autodidacte, Abdoulaye Diop a appris à faire le tatouage avec les déguisements des faux lions, Simbe. «C’est en 2003 que je me suis reconverti. A l’époque, au marché Hlm, je pouvais gagner 40 000 francs Cfa juste en tatouant une paire de pieds». Mbeur finit par se reconvertir en tatoueur, sillonnant les artères du marché Hlm à la quête d’une clientèle élargie. «Je pouvais alors gagner environ 90 000 francs Cfa par jour», assure-t-il.
Son parcours, il le résume en trois phases : sa vie de jeune lutteur à la médina, le professionnel du tatouage aux Hlm, et le précurseur au marché Zinc de Pikine. Après quatre années passées au marché Hlm 5, Mbeur, jeune ambitieux, décide d’explorer la banlieue pikinoise. «J’ai vu qu’il y avait beaucoup d’opportunités et qu’il n’y avait personne qui pratiquait ce métier. J’ai ainsi décidé de m’y installer définitivement 2007». Depuis, Abdoulaye Diop a formé beaucoup de monde dans la pédicure, la manucure, la pose de faux cils, le tatouage, etc. Son affaire marche aussi bien en période de fête comme en période normale. «J’ai un chiffre d’affaires de trente ou quarante mille francs Cfa par jour. C’est avec ce travail que j’entretiens ma famille depuis plus de 15 ans», se vente-t-il.
«On peut effectivement réussir ici, au lieu d’émigrer»
Abdoulaye Diop dit être contre l’immigration irrégulière. «Je suis contre les gens qui pensent immigrer dès qu’ils amassent une fortune de quatre ou cinq millions. Je préfère investir cet argent dans le transport au lieu de le gâcher en mettant en danger ma vie», soutient-il. Selon M. Diop, les jeunes doivent prendre conscience des opportunités qu’ils ont ici. «On peut bien réussir dans ce pays, et aujourd’hui la banlieue est pleine de ressources», a-t-il laissé entendre.
Sa collègue, Astou Diop, est du même avis. «Les jeunes de la banlieue ont des ambitions, mais c’est le soutien qui leur manque», renseigne-t-elle. La trentaine environ, le regard renforcé par de faux cils, elle applique le tatouage sur les mains de sa cliente. Astou Diop a arrêté ses études en classe de troisième secondaire. Reconvertie dans le tatouage et les soins pour femmes, la jeune trentenaire est pleine de perspectives. «Aujourd’hui, nous aurions aimé former plus de jeunes dans ce domaine ; seulement les moyens font défaut. Toutefois, on essaie d’aider nos cadets avec les moyens du bord», confie-t-elle.
A l’instar de ses collègues, Astou souligne que la réputation qui colle souvent à la banlieue est injustifiée. Selon elle, c’est un creuset d’opportunités et les jeunes en sont conscients aujourd’hui. «Ils veulent travailler, mais l’Etat ne les assiste pas», déplore-t-elle.