Rigoureux dans le travail, créatif, très élégant et éloquent, Moïse Ambroise Gomis était tout simplement un professionnel. Au sens plein et entier du terme. Le monde de la culture et des médias pleure toujours sa disparition survenue le 05 juin dernier.
Par Babacar TOURE
Après plus de 30 ans de carrière, il a tiré sa révérence. «Un homme qui avait des idées. Un homme qui avait de l’énergie». C’est en ces termes empreints d’émotion que le journaliste culturel Alioune Diop, chef de service de Radio Sénégal Internationale (Rsi), présente Moïse Ambroise Gomis. L’homme a marqué les esprits d’une génération entière de jeunes sénégalais. Il a aussi gagné leur cœur.
Ambroise Gomis est né en 1950 à Saint Louis. La culture, c’était son dada. Il fait partie des plus grands promoteurs culturels de son époque. Son engagement pour le rayonnement de la culture sénégalaise était connu de tous. Ses créations resteront gravées dans les annales de l’audiovisuel sénégalais. A l’âge de 70 ans, la mort vient arracher Moussa (il s’était converti à l’islam, selon les témoignages) à l’affection de son monde. Il repose désormais au cimetière musulman de Yoff.
L’homme affichait rigueur et élégance. Ses anciens collègues n’en témoignent pas moins. Il parlait un français toujours limpide et savait «remplir l’écran», renseigne Alioune Diop. Ambroise, c’était aussi un mix d’élégance et d’éloquence. De son imposant physique, fuitait toujours une voix pétillante. «Il avait le verbe facile. Il savait captiver», ajoute le doyen de Rsi.
Aussi bien sur le plan professionnel que humain, ceux qui ont travaillé avec Moïse lui ont témoigné une rigueur, une créativité et une générosité rares. «Ambroise était méticuleux. Il faisait ce qu’on lui demandait, tel qu’on le lui demandait, de façon impeccable, sans faille», soutient Doudou Fall, ancien chef de la production de la télévision nationale. D’une voix grave et nostalgique, M. Fall ajoute : «Toutes les télévisions aimeraient avoir un élément comme Ambroise».
Une machine à créer…
Le moins que l’on puisse dire d’Ambroise Gomis, c’est qu’il avait des idées. Ses émissions à la télévision et ses projets artistiques et culturels en sont une parfaite illustration. «Il savait improviser dans le bon sens», affirme avec fierté Doudou Fall qui a longtemps travaillé avec lui. Nombreux sont les Sénégalais qui ont été bercés par ses créations audiovisuelles. A la Rts, Ambroise était une machine à créer des émissions. Après la reprise de «Kaléidoscope» de Jacques Césaire, le natif de la vieille ville laisse s’exprimer son imagination. Avec brio, il lance «Graine de Stars», «Génération 80», «Midi Première», etc. Ses émissions ont permis de faire la promotion de plusieurs évènements culturels dans le pays. Les années 1980 étaient marquées, à Dakar, par l’arrivée de nombreux artistes africains. Nayanka Bell, Doh Albert et Alpha Blondy de la Côte d’Ivoire ; Kanda Bongo Man et Tshala Muana du Congo, etc. Et c’est toujours avec une touche professionnelle distinguée que Moïse recevait ces stars de la musique africaine. «Mon émission préférée, c’est quand il recevait, en 1980, Alpha Blondy, accompagné de son manager Flugence Kassy. Moi, ce temps que j’ai passé devant l’écran, je ne l’oublierai jamais», se rappelle Alioune Diop.
«Miss Sénégal» est, sans doute, sa plus visible création. Ambroise a fait près de trente ans à la tête du comité d’organisation de cette importante manifestation culturelle. Aujourd’hui, c’est Amina Badiane qui l’a héritée. A côté de «Miss Sénégal», il avait aussi initié «Miss Jongoma», «Ciseaux D’or», «Trophée prestige de la Coiffure»… Des évènements spécialement dédiés à la promotion des valeurs culturelles sénégalaises et africaines.
Ambroise Gomis était un chasseur de beautés. C’est le titre qu’on lui colle le plus. Un révélateur de talents aussi. «Il cherchait la beauté et le talent partout», souffle un de ses anciens collègues. L’homme avait le sens de la bonne graine. «Nous étions très jeunes, mais il nous écoutait. Il avait vu qu’on pouvait représenter quelque chose dans le milieu», témoigne le rappeur Didier Awadi.
Un généreux ambassadeur
Le décès de Moïse Ambroise Gomis a secoué le monde de la culture et des médias. Les témoignages sont venus de partout. «Un monument s’en est allé. Un Maitre dans son art» (dix Youssou Ndour). Selon Alioune Diop, ses émissions télé et ses manifestations culturelles étaient des occasions particulières pour les artistes de se tailler une visibilité. «Il m’a repéré très tôt, parce que je venais dans son émission génération 80», reconnait Awadi. «Moïse Ambroise Gomis a beaucoup contribué à la promotion de ma carrière à mes débuts», a ajouté Coumba Gawlo Seck dans un tweet. «Si nous sommes parvenus à signer un contrat (le Positive Black Soul, ndlr) renchérit Didier Awadi, c’est grâce à lui. Il nous a mis en contact avec l’équipe de Baba Maal. Et quelques mois après, nous nous sommes envolés pour l’Angleterre».
Ambroise Gomis a réussi à être une icône pour sa génération simplement parce qu’il était altruiste et généreux. Il savait écouter les jeunes. Fan d’Ambroise depuis son très jeune âge, le promoteur du Studio Sankara dit ne pas lui connaitre de défauts. «Quand on est fan de quelqu’un, on ne regarde pas ses défauts», dit-il. Mais d’après Doudou Fall, son ancien collègue, Moïse avait bel et bien deux défauts majeurs : «sa générosité et son perfectionnisme».