RENÉGOCIATION DES CONTRATS D’HYDROCARBURES : Une concertation entre les deux parties s’impose
La renégociation des contrats pétroliers et gaziers annoncée par le nouveau régime en place au Sénégal comporte non seulement des risques, mais a des limites. Elle ne peut pas devenir unilatéralement par l’une des parties, mais elle doit être quelque chose de concertée.
Par Idrissa NIASSY
Le démarrage de l’exploitation des hydrocarbures est attendu cette année au Sénégal. Mais, la renégociation des contrats pétroliers et gaziers annoncée par le nouveau régime sénégalais pour qu’ils bénéficient davantage aux populations locales serait une option «risquée » pour l’investissement et installerait une zone d’ombre dans le partenariat futur avec les compagnies.
Selon Gacyen Movely associé gérant de 3M Partners et Conseils, et Expert des Contrats de partage de productions (Cpp), si le Sénégal veut procéder à une renégociation des contrats, il faut un accord des deux parties. Et si les parties ne peuvent pas s’entendre il faut un recours à l’arbitrage. « Et l’arbitrage c’est le recours extérieur et dans ce cas, il s’agit du Centre international pour le règlement des conflits (Cnrc) qui se trouve en France de régler le problème », explique-t-il. Pour lui, il n’y a que deux options qu’offre le dispositif législatif au Sénégal dont la première consiste l’accord des parties qui décident des accords mis en place afin de s’asseoir en vue de pouvoir renégocier certains termes. L’autre option, c’est le recours à l’arbitrage. C’est-à-dire, le recours à un tiers extérieur en vue de pouvoir régler ce différend, vu que les parties n’ont pas réussi à s’entendre. « La renégociation ne peut pas devenir unilatéralement par l’une des parties. Il faut que cela soit quelque chose de concertée », a-t-il fait savoir hier lors d’une conférence de presse en prélude à la 2 ème édition des Journées du pétrole qui va se tenir du 5 au 8 juin 2024, à Dubaï, aux Émirats arabes unis autour de la thématique « L’impact des Contrats de partage de production (Cpp) sur les économies nationales ». Les Journées du Pétrole ont pour objectif d’offrir une plateforme essentielle pour les acteurs africains du secteur des hydrocarbures, visant à promouvoir les bonnes pratiques et à trouver des solutions adaptées à la gestion des contrats pétroliers, en particulier le Contrat de Partage de Production.
Parlant du Contrat de partage de production, ce dernier de faire part qu’il garantit aux États des revenus réguliers et permanents, tout en leur permettant d’avoir un rôle actif dans le suivi des opérations pétrolières. En outre, il favorise le développement économique diversifié et les investissements, ainsi que la promotion de l’emploi local et le transfert de technologie.
Les risques encourus en cas de renégociation des contrats
Selon lui, les pactes de renégociation sont un élément très important avec lequel on doit faire très attention, vue les risques qu’ils comportent, dès lors que le gouvernement du Sénégal décide de remettre en cause ces accords qu’il a convenus. À un certain moment, dit-il, les remettre en cause de force renvoie une image aux autres investisseurs futures. L’autre chose c’est que chaque pays a une notation en fonction du comportement de l’administration sur les hydrocarbures. Et en fonction de cette situation, les intérêts des investisseurs ne sont pas préservés, ce qui donne une image négative dans le climat des affaires dans le pays. « Il convient de pouvoir dans la négociation, intégrer tous ces éléments pour ne pas qu’il y ait des impacts négatifs sur le climat des affaires au Sénégal », dit-il.
Les limites de la renégociation
Parlant des limites de la renégociation des contrats pétrolier et gaziers dont la plupart sont réalisés dans les missions de contrôle et de vérification des coûts pétroliers, ce dernier d’indiquer que les prérogatives des contrôles qui incombent à nos États ne sont pas souvent réalisés de façon systématique. Parce que, premièrement le financement de ces contrôles pose souvent problème. Le deuxième élément, c’est la gestion des données. Car, on est dans un secteur qui évolue énormément et dans lequel les pays ont besoin d’avoir des informations fiables et pertinentes pour une meilleure connaissance de leurs bassins sédimentaires. Troisième élément, c’est la formulation de certains articles de contrats qui peuvent porter à interprétation avec des incidences financières importantes. « Pour pallier à ces éléments, nous avons initié ces Journées qui permettent de doter les administrations de la bonne information et de pouvoir avoir de bonnes pratiques. Parce que, si on a la bonne information, ça nous permet derrière d’avoir également un comportement pratique adapté et conforme surtout à ce qui se fait dans le secteur des hydrocarbures », a-t-il déclaré.
Concernant la confidentialité, le code des hydrocarbures du Sénégal fait obligation aux entreprises d’être transparentes sur les revenus issus des opérations pétrolières. « Par contre, sur le contrat, du fait que ce sont des éléments négociés avec plusieurs opérateurs, on ne va pas mettre sur la place publique les accords qui ont été passés entre l’État et les sociétés. Il s’agit d’éléments stratégiques », souligne-t-il. Pour lui, les revenus issus des contrats doivent être transparents et communiqués. « Dans le cadre du pétrole, la gestion sera copartagée entre le Sénégal et la Mauritanie, parce que le gisement se trouve à cheval entre deux pays. Les éléments seront consignés dans un rapport signé par les deux pays pour définir les modalités d’exploitation et de partage. Il s’agit d’un document en amont rédigé par les pays ce qui va permettre d’encadrer la gestion de ce gisement», a-t-il conclu.