Par Salif Sow
Cette année, la CEDEAO célèbre ses cinquante ans d’existence, marquant un demi-siècle d’intégration régionale et de coopération économique. Le Sénégal y a joué un rôle prépondérant, symbolisant l’engagement de notre pays envers le multilatéralisme. L’organisation est la plus avancée des communautés économiques régionales (CER) de l’UA, à travers notamment des réussites majeures comme la libre circulation, le marché unique, le tarif extérieur commun, etc.
Mais la CEDEAO est confrontée à un défi à l’orée de ses 50 ans : le départ des pays de l’AES sur fond de putschs illégaux et illégitimes, de soumission russe et de refus de revenir à des pouvoirs civils démocratiquement élus.
Le Mali est un cas emblématique du danger qui mine la CEDEAO. En effet, le pays vit l’une des périodes les plus sombres de son histoire récente. Il y a quatre ans, en août 2020, un putsch militaire renverse le président Ibrahim Boubacar Keïta, amorçant une transition politique censée ramener la stabilité après des mois d’émeutes.
Mais Assimi Goïta et ses camarades refusent quatre ans d’organiser des élections et de rendre le pouvoir aux civils comme ils s’étaient engagés. La transition s’éternise et s’accompagne d’une gouvernance de plus en plus autoritaire avec notamment la dissolution des partis politiques, la multiplication des arrestations et les interdictions systématiques de manifestations. Les relations entre Bamako et la CEDEAO se sont considérablement dégradées, allant jusqu’au retrait du Mali, aux côtés du Burkina Faso et du Niger, d’une organisation qu’il accusait sans preuve d’ingérence et d’inefficacité. Ce divorce institutionnel illustre la crise profonde que traverse l’espace ouest-africain, tiraillé entre idéal d’unité et logiques de rupture.
Les dérives autocratiques observées au Mali ne sont pas sans conséquence pour la sous-région. Le pouvoir militaire en place restreint les libertés publiques, marginalise les voix critiques et concentre les décisions dans un cercle fermé, loin des principes démocratiques. Une telle fermeture politique risque de devenir un modèle pour d’autres régimes en quête de légitimation autoritaire. Cette tentation du repli souverainiste et de la verticalité du pouvoir affaiblit les mécanismes collectifs de sécurité et de médiation régionale. Elle nourrit aussi un climat d’incertitude qui fragilise les efforts communs de lutte contre le terrorisme, la pauvreté et les déplacements de populations.
Pendant ce temps, le Mali continue d’être confronté à une menace terroriste persistante, notamment dans le centre et le nord du pays. Les groupes armés profitent du vide institutionnel, de la désorganisation des forces de sécurité et de la perte de contrôle de vastes territoires pour étendre leur influence. L’échec à organiser des élections dans les délais initialement annoncés et l’absence de feuille de route claire pour une sortie de crise aggravant l’instabilité. À mesure que la transition s’enlise, le risque d’un enlisement sécuritaire durable s’intensifie, non seulement pour le Mali, mais pour l’ensemble de la région ouest-africaine, déjà fragilisée par des dynamiques similaires au Sahel.