Au Sénégal, bien que la recherche scientifique soit le parent pauvre, la recherche clinique sur les plantes médicinales est primordiale si on veut produire des médicaments de qualité. C’est pourquoi, le gouvernement, dans sa vision 2050, veut mettre en place d’ici 2030, 10 phytomédicaments.
Par Idrissa NIASSY
La médecine traditionnelle, longtemps utilisée en Afrique, ne parvient pas à convaincre tout le monde, du fait que la recherche clinique n’est pas associée dans le processus de fabrication des médicaments à base de plantes. Ce que le nouveau gouvernement du Sénégal a compris en intégrant dans sa vision 2050, la recherche clinique sur les plantes médicinales. Cette stratégie permettra à l’État du Sénégal de mettre en place d’ici 2030, 10 phytomédicaments. « C’est cela l’objectif », a fait valoir le Professeur Yoro Tine, Chef de service des essais cliniques à l’Agence de réglementation pharmaceutique (Arp). Pour lui, comme en Afrique, plus de 80 % de la population ont recours à la médecine traditionnelle, l’État devait produire jusqu’à 40 ou 50 phytomédicaments, ci qui serait bien pour la population. «La réalisation des essais cliniques en Afrique est désormais un impératif», ajoute-t-il.
Les phytomédicaments sont des médicaments avec mention de l’indication ne contenant comme principes actifs qu’une ou plusieurs substances végétales ou préparations végétales et qui ne sont pas classifiables dans les médicaments de la médecine complémentaire.
«Pour mettre en place ces phytomédicaments, cela doit passer par la recherche scientifique et plus particulièrement par les essais cliniques. Parce qu’il y a le savoir traditionnel», a-t-il expliqué, tout en plaidant pour la valorisation du savoir traditionnel pour le développement du médicament.
Le Pr Tine s’exprimait ce lundi 28 avril 2025, lors d’une conférence de presse en prélude au 6ème Sommet Tcis Africa (The Clinical Investigators Summit) qui sera organisé au Sénégal du 5 au 8 mai 2025, sous le thème : «Embarquer l’Afrique et la recherche clinique mondiale, une entreprise en développement». Ce Sommet qui est une occasion de vulgariser toutes les activités de recherche clinique, est co-organisé par Likak Research et Clinic Research basé au Nigeria. Plus d’une centaine de personnes venant des quatre coins du monde sont attendus à ce colloque, dont 40 % de sénégalais.
Profitant de ce face à face avec les représentants des médias, il invite tous les chercheurs à travailler sur des thématiques qui intéressent le pays afin de participer à son développement, à l’instar des autres, ce qui manque au Sénégal. « On ne collabore pas. Et si nous collaborons carrément, surtout avec les privés, on peut développer le pays », a-t-il signifié. Et cela, dit-t-il, «va aussi nous permettre d’avoir des financements». Ce qui va permettre d’aider davantage les tradipraticiens à améliorer leurs produits à l’instar des autres pays, comme le Mali et le Burkina Faso. D’après lui, les plantes sont «très utilisées», surtout en phytothérapie qui signifie la thérapie par des plantes. Ce Sommet, pour lui, «marque une étape claire dans la création d’un écosystème africain de recherche clinique, éthique et durable». «Il nous offre une plateforme de concertation pour penser collectivement aux transitions nécessaires pour la reconquête scientifique et sanitaire du continent», ajoute-t-il. Les essais cliniques, selon lui toujours, «sont essentiels pour répondre aux besoins sanitaires spécifiques de nos populations» et agir comme «un levier de souveraineté», même si moins de 2,5 % des essais cliniques mondiaux se déroulent en Afrique. «Cet écart reflète mal notre charge de morbidité et notre potentiel en recherche. C’est pourquoi, il est impératif de valoriser les atouts de l’Afrique, notamment sa biodiversité génétique, son capital humain et ses savoirs endogènes, surtout en médecine traditionnelle», a-t-il conclu.
«90% des essais cliniques qui sont faits en Afrique, ce sont des questions qui sont posées à l’extérieur de l’Afrique et qui nous sont données pour chercher», a déclaré pour sa part, la Dr Élisabeth Liyong Diallo, Pdg de Likak Research. Pour elle, il est temps que l’Afrique elle-même réponde à ses propres questions. «Nous en avons, si vous interrogez les professeurs dans leur centre de recherche, ou bien même dans leur pratique quotidienne, ils ont certainement des questions auxquelles ils veulent répondre, mais souvent ils se demandent où trouverons-nous le financement, où trouverons-nous l’accompagnement, comment commencer», souligne-t-elle. Selon Dr Liyong Diallo, la présence de Tcis Africa est une occasion de rassurer tous les chercheurs africains et leur dire qu’ils ont un partenaire sûr pour les accompagner dans le travail.