Les algorithmes trient nos Cv, les intelligences artificielles rédigent nos discours, et nos données personnelles s’échangent comme une monnaie parallèle. Le numérique façonne nos vies à une vitesse vertigineuse, souvent plus vite que les institutions ne savent le réguler. Mais pour le chef des droits humains de l’Onu, il est temps de reprendre la main.
Par Idrissa NIASSY
Dans cette ère où la technologie avance plus vite que le droit, l’Onu en appelle à un sursaut éthique. Avant que la machine ne prenne définitivement le dessus sur l’humain. Elle l’a fait savoir lors de l’ouverture du Sommet mondial sur la société de l’information, qui se déroule du 8 au 11 juillet 2025. Pour le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits humains, Volker Türk, cette rencontre est un moment de dresser un constat lucide, sans détours : les technologies de l’information et de la communication, jadis perçues comme une promesse de développement, sont devenues un champ de tensions et de risques majeurs.
Pour lui, une chose est claire : « nous avons besoin de davantage de droits humains, pas de moins ». Ce sommet, lancé pour la première fois en 2003, avait posé les bases d’une coopération inédite entre gouvernements, entreprises, société civile et institutions internationales, afin de mettre le numérique au service du progrès humain. Plus de deux décennies plus tard, l’heure n’est plus à l’euphorie, mais à la vigilance. «Nos droits constituent une véritable feuille de route pour affronter les immenses défis posés par les technologies en mutation rapide », a affirmé le Haut-Commissaire.
Avant d’ajouter : «les risques sont vastes : atteintes à la vie privée, bouleversements du marché du travail, discriminations, entraves à la liberté d’expression et d’accès à l’information, voire altération de notre perception commune de la réalité». Il a profité de cette occasion pour appeler à un sursaut collectif. Car, dit-il, si l’on veut juguler la désinformation, protéger les données personnelles, combler la fracture numérique et lutter contre les biais algorithmiques, il faut s’appuyer sur des principes clairs : les droits humains comme socle universel.
Les États, a-t-il rappelé, ont des obligations juridiques. Les entreprises, quant à elles, ont le devoir de respecter ces droits, y compris dans leurs choix technologiques. Ce cadre, précise-t-il, permettrait de contenir les discours de haine en ligne, de restaurer la confiance dans l’environnement numérique, et surtout, d’élargir la participation démocratique à l’ère de la décision automatisée. «Pour élargir la participation aux prises de décisions au-delà d’un cercle restreint», a-t-il insisté.
Dans les mois à venir, les Nations Unies prévoient la mise en place de nouveaux mécanismes sur la gouvernance des données et l’intelligence artificielle. Des arbitrages cruciaux s’annoncent. «Nous avons une fenêtre d’opportunité pour faire la différence» annonce le Haut-Commissaire aux droits de l’homme. Mais pour cela, un seul mot d’ordre : l’union. «Nous devons unir nos forces, États, entreprises technologiques, organisations internationales, société civile et autres, pour bâtir un environnement numérique ouvert et inclusif, au service de toutes et tous, partout dans le monde», a-t-il conclu.