C’est acté ! Le divorce est consommé entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger et la CEDEAO. Les trois alliés de la Russie ont décidé d’aller au bout de leur logique de départ de l’instance régionale au nom d’un souverainisme aussi curieux que douteux.
Par Salif Sow
Les trois pays ont commencé par rompre leurs liens avec la France, jugée néocoloniale et soutien du terrorisme islamiste et de l’irrédentisme touarègue. Les militaires français qui ont sauvé le Mali de la partition en 2013, grâce à l’opération Serval, ont été priés de quitter le pays sans ménagement pour céder la place aux mercenaires du groupe Wagner. Au Burkina comme au Niger, les deux autres alliés de Bamako, la rengaine anticoloniale est la même avec à chaque fois un tapis rouge déroulé pour les hommes du Kremlin.
Dans la même veine, les trois pays regroupés au sein de l’Association des États du Sahel (AES) ont rompu les amarres avec la CEDEAO pour des raisons qui relèvent davantage de postures que d’une véritable ligne économique et économique pertinente. Car depuis les annonces de leur départ, la situation sécuritaire reste préoccupante avec des attaques des groupes islamistes armés contre les civils et les soldats loyalistes.
Selon des analystes, leur démarche contient également une dose de contradiction : les dirigeants appellent à réaliser l’unité africaine mais, sapent ainsi un des fondements de la réalisation de cette même unité. En effet, la CEDEAO fait partie des cinq communautés économiques régionales (CER) qui, selon l’UA, doivent être les étapes transitoires vers l’unité du continent.
La démarche des putschistes est également empreinte d’opportunisme. Car l’essence du souverainisme est d’abord populaire, donc émanant du peuple. Or, aucun des dirigeants de l’AES n’a été élu. Ils ont tous confisqué le pouvoir des mains de pouvoirs élus démocratiquement. Tiani, Goïta et Traoré engagent leur peuple dans une sortie hasardeuse de la CEDEAO, organisation qui existe depuis près de 50 ans, sans aucun mandat électoral ni populaire. Car, la vraie raison de cette sécession est que les putschistes ne veulent pas se soumettre à un calendrier de fin de la transition pour rendre le pouvoir aux civils. Ils préfèrent, selon un expert consulté « face à la montée des températures, casser le thermomètre ». Mais cette situation, indique le même expert, est conjoncturel, car ces régimes sont appelés à tomber et un président élu démocratiquement retournera fatalement au sein de la CEDEAO au nom d’intérêts économiques comme géostratégiques.
Le Sénégal lui semble se tenir à bonne distance de l’AES, avec le résultat mitigé de la médiation du Pr Bathily. Les autorités sénégalaises, à l’instar de leurs prédécesseurs, semblent décidées à rester dans la CEDEAO et même d’y jouer un rôle prépondérant loin des saillies panafricanistes et des tentations wagnériennes.