Plus de 115 experts en agroalimentaire, conseillers gouvernementaux et chefs d’entreprise appellent à exclure les aliments d’origine animale de la déclaration de l’Onu visant à éliminer les acides gras trans. Cette mesure risque d’affaiblir involontairement l’accès à une nutrition essentielle au Sénégal et en Afrique de l’Ouest.
Par Idrissa NIASSY
Selon plusieurs experts issus de différents secteurs de la vie socioéconomique (agroalimentaire, conseillers gouvernementaux et chefs d’entreprise appellent), un projet de déclaration des Nations Unies visant à éliminer les acides gras trans de l’alimentation mondiale risque de priver involontairement les populations les plus pauvres des bienfaits nutritionnels du lait et de la viande. Selon un communiqué qui nous est parvenu, cette nouvelle déclaration, qui s’inscrit dans les efforts de réduction des maladies non transmissibles (Mnt) telles que les maladies cardiovasculaires et le diabète, propose d’éliminer tous les acides gras trans de l’alimentation mondiale.
Alors que des recherches ont montré que les acides gras trans produits industriellement contribuent aux Mnt, ceux qui sont présents naturellement en faibles quantités dans les aliments d’origine animale ne sont pas nocifs. Ils pourraient même avoir des effets protecteurs pour la santé, comme la prévention du diabète de type 2. C’est pourquoi, dans une lettre ouverte adressée aux négociateurs onusiens, plus de 115 signataires d’Afrique, d’Europe et des Amériques écrivent : « le risque d’un engagement global à éliminer tous les acides gras trans est qu’il décourage inutilement la consommation d’aliments hautement nutritifs comme les produits laitiers, la viande et d’autres aliments d’origine animale.
Et, une fois de plus, ce sont les pays à revenu faible ou intermédiaire qui en subiront le plus lourd tribut, là où la consommation de viande et de lait, pourtant riches en nutriments, est déjà insuffisante ». Les Maladies non transmissibles touchent de manière disproportionnée les pays en développement, où l’obésité et les maladies liées à l’alimentation à l’âge adulte sont souvent liées à la malnutrition durant les 1 000 premiers jours de vie. En 2023, 1 Africain sur 5 souffrait de la faim et près d’un tiers des enfants de moins de cinq ans étaient atteints de retard de croissance.
Les aliments d’origine animale comme la viande et le lait sont riches en énergie, en protéines de haute qualité et en micronutriments essentiels (vitamines A et B12, riboflavine, calcium, zinc, iode). Des recherches montrent qu’un enfant qui boit du lait chaque jour peut croître de 3 % de plus par mois qu’un enfant qui n’en consomme pas. Pourtant, dans certains pays en développement, la consommation moyenne annuelle de lait ne dépasse pas 1 kg par personne. « Un simple verre de lait figure parmi les aliments les plus abordables et les plus riches en nutriments. Il a prouvé sa capacité à réduire le retard de croissance chez les enfants et à soulager la faim», explique Namukolo Covic, experte en nutrition et représentante du Directeur général de l’Institut international de recherche sur l’élevage (Ilri) basé à Nairobi, en Éthiopie.
«Les acides gras trans produits industriellement proviennent des procédés de transformation alimentaire, un secteur encore naissant dans de nombreux pays africains. Ces pays ont l’opportunité de construire un avenir alimentaire différent, à mesure que leurs systèmes alimentaires se transforment. Cette transformation doit aller vers l’élimination des trans-fats industriels», ajoute-t-elle.
Le projet de résolution est actuellement à l’étude par les États membres, et un texte final devrait être présenté pour adoption lors de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre. Entre-temps, les pays se réuniront à New York du 14 au 23 juillet, à l’occasion du Forum politique de haut niveau des Nations Unies, qui évaluera les progrès accomplis vers les Objectifs de développement durable, notamment l’Odd 3 (Bonne santé et bien-être). La lettre a été coordonnée par l’Institut international de recherche sur l’élevage, et soutenue par le Bureau interafricain des ressources animales de l’Union africaine (Ua-Bira). Elle a également été signée par des experts issus du Comité de la sécurité alimentaire mondiale de l’Onu, de la Global Alliance for Improved Nutrition (Gain), et de la World Alliance of Mobile Indigenous Peoples (Wamip).