La Banque mondiale, en partenariat avec le Population Council et le Center for Global Development, a organisé ce mercredi 10 septembre 2025 le forum de dissémination national du rapport « Parcours vers la prospérité pour les adolescentes en Afrique ». Cet événement a mis en lumière des stratégies concrètes et fondées sur des données probantes pour renforcer l’autonomisation économique des filles au Sénégal. Aujourd’hui d’après le rapport, au Sénégal, environ 30 % des filles se marient avant 18 ans.
Dans le contexte sénégalais, le rapport de la banque mondiale note : « Au Sénégal, environ 30 % des filles se marient avant 18 ans et le taux de natalité chez les adolescentes atteint 67 pour 1 000 filles âgées de 15 à 19 ans. Le rapport propose une feuille de route pour inverser ces tendances et libérer le potentiel économique des filles ».
Mme Keiko Miwa, Directrice de division pour le Cabo Verde, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Mauritanie et le Sénégal, dans son allocution, a souligné : « Je vous remercie chaleureusement d’être parmi nous ce matin pour une conversation essentielle : celle de l’avenir des adolescentes au Sénégal, et plus largement en Afrique.
Aujourd’hui, le continent compte 145 millions d’adolescentes. D’ici 2050, elles représenteront plus d’un tiers de la population mondiale de cette tranche d’âge. Derrière ces chiffres, il y a des visages, des histoires, des potentiels. Il y a ces centaines de jeunes filles qui, grâce au Centre Conseil pour Adolescents de Ziguinchor, développent leur potentiel par l’accompagnement de pairs leaders sur des questions cruciales de santé mais aussi par l’accès à des kits d’hygiène indispensables à leur bien-être. Il y a cette jeune femme d’une zone rurale dont le nom figure désormais sur un titre foncier officiel du Sénégal, une sécurité foncière renforcée aujourd’hui, et une base pour son autonomisation économique demain. Ces exemples illustrent la puissance transformatrice d’investissements ciblés dans les adolescentes ».
D’après Mme Keiko Miwa, le Sénégal a déjà posé des jalons importants : À travers le projet Sahel Women’s Empowerment and Demographics Project (SWEDD) qui entre dans sa troisième phase, le gouvernement cible les adolescentes exposées aux risques de mariage précoce, de déscolarisation ou de pauvreté ; Le programme foncier Cadastre et Sécurisation Foncière (PROCASEF), avec l’appui du Laboratoire d’innovation de la Banque mondiale pour l’égalité des sexes (GIL), œuvre à inscrire les filles sur les titres fonciers familiaux ; La stratégie multisectorielle du pays, qui articule éducation, santé et autonomisation économique, témoigne d’un engagement fort en faveur de la jeunesse en particulier des filles.
Elle estime que l’événement qui leur réunit aujourd’hui vise à transformer la donnée en action : À travers la présentation du rapport ; À travers une discussion de politique publique concrète ; Et à travers la mise en lumière de projets locaux inspirants mis en œuvre ici au Sénégal, par des ONG, des agences onusiennes et des acteurs du secteur privé.
Plus de 145 millions d’adolescentes vivant en Afrique
« Avec 145 millions de filles adolescentes en Afrique aujourd’hui, un chiffre qui atteindra un tiers de la population mondiale d’ici 2050. Le rapport démontre qu’un investissement ciblé dans les adolescentes peut générer un retour économique jusqu’à dix fois supérieur à l’investissement initial », précise-t-on dans le rapport.
Et le rapport de rajouter : « L’Afrique se trouve à la croisée des chemins, sa prospérité future dépendant des politiques et des décisions d’investissement qu’elle adopte aujourd’hui. Le continent a, l’opportunité de façonner les trajectoires des générations futures en investissant dans le succès d’une population cruciale : ses adolescentes. Avec plus de 145 millions d’adolescentes vivant en Afrique, le potentiel de transformation est immense. Pourtant, les défis persistent, à l’instar des taux élevés de mariages d’enfants ou des possibilités d’éducation limitées. En Afrique, plus de la moitié des filles âgées de 15 à 19 ans ne sont pas scolarisées, sont mariées ou ont des enfants. Comment les pays africains peuvent-ils surmonter ces difficultés pour garantir que les adolescentes entrent dans l’âge adulte avec les moyens de s’épanouir ? ».
1 dollar investi dans une fille peut générer jusqu’à 10 dollars
Mme Keiko Miwa, Directrice de division pour le Cabo Verde, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Mauritanie et le Sénégal, avance : « Chaque 1 dollar investi dans une fille peut générer jusqu’à 10 dollars de retour économique. Un investissement global de 200 milliards de dollars d’ici 2040 pourrait générer jusqu’à 2 400 milliards de dollars de revenus supplémentaires pour le continent. Au Sénégal, le coût du statu quo est estimé à 28 milliards FCFA par an, soit l’équivalent de 560 écoles primaires non construites. Nous avons donc une opportunité unique de transformer des trajectoires individuelles en leviers de prospérité collective ».
Elle souligne : « Le rapport Parcours vers la prospérité pour les adolescentes en Afrique, fruit d’une collaboration entre la Banque mondiale, le Population Council et le Center for Global Development : Propose une feuille de route ambitieuse, fondée sur des données probantes, des analyses comparatives, et des consultations directes avec des adolescentes ; Identifie six piliers d’action allant de l’éducation et la santé à l’inclusion économique, la collecte de données, sans oublier le ciblage des plus vulnérables ; Classe les pays africains selon cinq types pour aider à adapter les politiques publiques à leurs réalités spécifiques ».
À la Banque mondiale, nous considérons l’autonomisation des adolescentes comme un moteur essentiel de croissance inclusive, de productivité, et de création d’emplois, en particulier pour les économies africaines.
Nous sommes pleinement engagés à accompagner le gouvernement dans la mise en œuvre de politiques ambitieuses et ciblées, et promouvoir une approche basée sur les preuves, l’innovation et la coordination. Mesdames et Messieurs, nous avons aujourd’hui les données, les partenaires, et la volonté politique. Ce qu’il nous faut maintenant, c’est transformer ces connaissances en résultats tangibles – pour que chaque fille au Sénégal, peu importe son origine, puisse construire son propre parcours vers la prospérité.
La feuille de route proposée par le Rapport
Parcours vers la prospérité pour les adolescentes en Afrique propose une feuille de route novatrice pour le changement. Ce rapport historique : Propose des recommandations de politiques publiques concrètes et réalisables ; Fournit un examen complet d’interventions fondées sur des preuves solides ; Présente une catégorisation des pays africains fondée sur des données afin de guider les investissements en faveur des adolescentes ; et Propose un cadre innovant pour comprendre et mesurer l’autonomisation des adolescentes.
S’appuyant sur des recherches approfondies et des consultations avec des adolescentes, des décideurs politiques et des praticiens, ce rapport révèle que l’investissement dans les adolescentes peut générer un impact économique décuplé. Il met en évidence six domaines clés pour une action ciblée, à savoir : le renforcement du capital humain, l’amélioration de la réussite économique, la priorisation des filles les plus vulnérables, l’adoption d’une approche intégrée, la réduction des lacunes en matière de données et de connaissances, et la mobilisation des diverses parties prenantes.
Toujours d’après le rapport, l’Afrique est la région la plus jeune du monde. Elle détient la clé de sa prospérité, à savoir investir dans le potentiel économique inexploité de ses adolescents, et en particulier de ses adolescentes. Et plus d’un cinquième des adolescentes du monde (âgées de 10 à 19 ans) 145 millions vivent en Afrique, et cette proportion devrait passer à plus d’un tiers d’ici à 2050 (United Nations Department of Economic and Social Affairs, Population Division, 2024).
« Pour que l’Afrique gagne la bataille contre la pauvreté et parvienne à une croissance économique soutenue, des investissements stratégiques sont impératifs. Ces investissements doivent bénéficier aux adolescentes, en les dotant des fondamentaux du capital humain, des ressources et de la capacité de décision et d’action nécessaires pour mener une vie d’adulte économiquement prospère », souligne-t-on dans le rapport.
Les défis confrontés par les adolescentes africaines
« Malgré leur potentiel, les adolescentes africaines sont confrontées à des défis spécifiques liés à leur sexe qui affectent considérablement leurs perspectives économiques. La région présente l’incidence la plus élevée de mariages d’enfants pour les filles au niveau mondial, une fille africaine sur trois se mariant avant l’âge de 18 ans. En particulier, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale abritent 7 des 10 pays où la prévalence du mariage des enfants est la plus élevée au monde (UNICEF, 2022). En outre, bien que des progrès aient été réalisés au cours des 25 dernières années, ces améliorations ont principalement bénéficié aux ménages les plus riches ; les taux de mariage des enfants continuent d’augmenter parmi les plus pauvres en Afrique (UNICEF, 2023).
Le mariage des enfants est souvent associé à des grossesses précoces et à un taux de fécondité plus élevé au cours de la vie d’une fille, ce qui a des conséquences négatives importantes pour les filles et leurs enfants dans divers domaines, notamment la santé et les résultats futurs sur le marché du travail (Petroni et al., 2017 ; Wodon et al., 2017) », renseignet-on dans le rapport.
Et le rapport d’ajouter : « En Afrique, les disparités entre les sexes apparaissent avant l’adolescence et se creusent lors du passage à l’adolescence, puis à l’âge adulte. Bien qu’il existe des écarts relativement faibles entre les sexes en matière de scolarisation des adolescents âgés de 10 à 14 ans dans la plupart des pays africains, les filles sont généralement plus susceptibles de participer aux travaux ménagers et les garçons sont plus susceptibles de participer à un travail rémunéré. Dans le groupe des adolescents plus âgés (15-19 ans), un nombre important de filles en Afrique (26 %) ne travaillent pas et ne sont pas scolarisées, contre environ 9 % des garçons.
En outre, environ 22 % de ces filles sont mariées, contre seulement 1 % des garçons. Lorsque ces adolescents plus âgés passent à l’âge adulte (20-24 ans), la disparité entre les sexes est encore plus prononcée. Parmi les jeunes femmes de cette tranche d’âge, 56 % sont mariées et ont des enfants, tandis que moins de 16 % d’entre elles poursuivent leurs études. En revanche, les jeunes hommes sont plus susceptibles de poursuivre leurs études ou d’entrer sur le marché du travail, et 71 % d’entre eux restent célibataires et sans enfant ».
Par Massaër DIA