Après six (6) mois à la tête du Département de la Santé, Dr Ibrahima Sy, a tenu hier une conférence de presse. Ce face à face avec les représentants des médias est une occasion pour le ministre de la Santé de revenir sur la mise en œuvre des orientations stratégiques des autorités, définies dans le plan quinquennal 2025-2029 du secteur de la santé, ensuite sur les réalisations enregistrées durant les 6 derniers mois et quelques actions urgentes.
Par Idrissa NIASSY
« Au ministère de la Santé, 1 080 agents sont en situation irrégulière. Parmi eux, 399 salariés sont payés depuis plus d’une dizaine d’années pour le compte du ministère sans travailler pour le ministère », a révélé hier le ministre de la Santé et de l’Action Sociale, Dr Ibrahima Sy. Cette irrégularité dans la situation des agents de santé du ministère fait suite à un contrôle des effectifs du personnel de santé réalisé par la Direction de la Solde pour confronter sa base de données à celle dudit ministère de la Santé. « Parmi ces agents, 480 sont présents dans la base de données du ministère de la Santé et non répertoriés au niveau de la solde ; 600 agents actifs dans le fichier de la solde et non répertoriés dans la base de données du ministère de la Santé », a remarqué Dr Ibrahima Sy.
Cependant, 142 agents ont été retrouvés au niveau des structures de santé. Le ministre de la Santé faisait face hier à la presse pour faire un diagnostic situationnel, ensuite les réalisations enregistrées durant les 6 derniers mois et enfin, les nouvelles orientations et priorités assignées au ministère de la Santé et de l’Action Sociale ainsi que quelques actions urgentes. Selon lui, « des dispositions seront prises pour une présentation de ce dossier auprès de l’agent judiciaire de l’État ». Parce que, ce qui se passe dans ce Département ministériel est inacceptable. C’est pourquoi, le ministre de la Santé promet de faire la lumière. « Un audit est en cours de réalisation pour plus de visibilité sur le personnel et la masse salariale », a-t-il fait savoir.
Le ministre a, par ailleurs, dénoncé la provision budgétaire faite sur la base de 8 mois au lieu de 12 mois, ce qui est devenu un problème récurrent de couverture budgétaire pour les agents contractuels du ministère qui peine à payer les salaires à partir du mois de septembre. Il est également revenu sur la situation qu’il juge « complexe » de la signature d’un contrat à travers le mécanisme «AVAT» de l’Union Africaine, signé le 06 septembre 2021, pour l’acquisition de 5 329 537 doses de vaccins «Johnson & Johnson», pour un montant de 47 648 542,86 dollars Us, soit 29 584 980 262 F Cfa. En effet, le reliquat de 4 838 400 doses à livrer pour un montant ajusté de 38 499 897,19 de dollars Us (23 773 686 515 F Cfa) devait être détruit sur un site en Belgique. Le nouveau gouvernement dès son installation, avec l’accord de la Banque mondiale, a confirmé l’avis de destruction de la totalité des doses restantes, même s’il a procédé au paiement des factures d’acquisition des vaccins.
« Dès ma prise de fonction, j’ai pris la décision de demander la suspension de ce processus lors d’une rencontre avec la Banque mondiale. Avec l’appui du ministère des Finances et du Budget, le ministère de la Santé est en train de négocier pour une restructuration du montant de 23 773 686 515 F Cfa (prêt et don) afin de l’investir dans le renforcement de notre système de santé », a précisé le ministre de la Santé.
Des détournements de fonds à Kolda
Dr Ibrahima Sy est revenu aussi sur les détournements de fonds à Kolda, dans le cadre du Projet d’appui à la santé de la mère et de l’enfant (Pasme) à hauteur de 42 458 818 F Cfa entre 2015 et 2018, constaté suite à un audit d’organes indépendants notamment le cabinet Gms et l’Inspection générale des Finances. Ce Projet est une Convention de financement Afd 1411 01 Y/Pasme Kolda et Sédhiou d’un montant de près de 8 000 000 d’euros, soit plus de 5,2 milliards F Cfa destiné à la construction des centres de santé de Médina Yoro Foulah et de Bounkiling et à la réhabilitation du Centre régional de formation en santé de Kolda. Mais il a été suspendu par l’Afd à partir de juillet 2019 suite à ce détournement et a occasionné la perte d’un financement de 7 115 969,79 d’euros en plus de la demande de remboursement du montant de 42 458 818 F Cfa par le bailleur. Le ministère de la Santé doit également rembourser le montant de 764 516 571 F Cfa pour des dépenses exécutées mais non encore justifiées pour ne pas s’exposer à un débit d’un montant double au moment du versement de la prochaine subvention du Fonds Mondial. Pour lui, les 1 000 milliards F Cfa mobilisés de 2013 à 2023 n’ont pas eu un grand impact sur le renforcement du système de santé au regard du diagnostic qui vient d’être fait sur le secteur de la santé et de l’action social, tout en dénonçant le budget du ministère de la Santé qui est à 9 % au lieu de 15 % ;
Beaucoup d’hôpitaux de niveau 1, 2 et 3, ne répondent plus aux normes
Le ministre de la Santé, au titre du diagnostic de la situation actuelle, a fait part, concernant la vétusté des bâtiments, des installations électriques et du système d’assainissement et d’approvisionnement en eau avec des risques d’incendies et d’infections nosocomiales, des difficultés d’extension, entre autres, que la plupart des structures de santé qui sont concernées sont de niveau 1, 2 et 3. « Ces hôpitaux ont été construits depuis plus de 30 ans et ne répondent plus aux normes architecturales et organisationnelles malgré de nombreuses réhabilitations», a indiqué Dr Ibrahima Sy. Il s’agit notamment des hôpitaux de Saint-Louis, Ndioum, Ourossogui, Tambacounda, Ziguinchor, Kolda, Kaolack, Thiès, Diourbel, Louga, l’Hôpital Aristide le Dantec, l’Hôpital Général Idrissa Pouye.
Selon lui, les derniers évènements d’incendies notés dans les services de néonatologie des hôpitaux de Linguère puis de Tivaouane expliquent à souhait les défaillances des installations électriques dans les bâtiments abritant les services médicaux. « L’état de délabrement très avancé constaté pour beaucoup de structures de santé du pays dont plus de 65 % des centres de santé et postes de santé et 60 % des Établissements publics de santé (Eps) appelle de toute urgence à mobiliser des ressources pour y remédier», explique-t-il. Toutefois, cette situation de vétusté des infrastructures est beaucoup plus préoccupante dans les régions de Thiès, Diourbel et Ziguinchor où respectivement, 93 %, 92 % et 87,5 % sont à réhabiliter. Le ministre de la santé a également déploré le non-respect des normes de construction des infrastructures sanitaires récentes devant abriter des services de soins spécialisés, ce qui occasionné des problèmes d’étanchéité, notamment à Kaffrine, des fissures, de dégradation des installations électriques, mais surtout des problèmes sur les lots techniques tels que la climatisation centrale à Touba dont la maintenance préventive est problématique, due à des pièces de rechange très coûteuses, les équipements non conformes par rapport aux spécifications techniques définies à Tivaouane et un service après-vente pas toujours adapté et opérant.
Une forte concentration des ressources à Dakar
Il a également dénoncé la forte concentration des ressources infrastructurelles, logistiques et matérielles des offres de santé (publiques et privées) à Dakar, tout en faisant part, que sur les 12 établissements publics hospitaliers de niveau 3, les 10 sont concentrés dans la région de Dakar et deux (2) à Diourbel. Le ministre de la Santé a dénoncé aussi la forte concentration de l’offre de soins spécialisés entre les régions de Dakar, Thiès et Saint-Louis (la cardiologie, la prise en charge des cancers, la neurologie et la neurochirurgie, la médecine nucléaire, l’urologie…) ; la faiblesse de la capacité litière (1 lit pour 2 589 habitants dans les services d’hospitalisation, 1 lit pour 48 530 habitants pour les services d’urgence et 1 lit pour 147 356 habitants pour la réanimation) ; l’existence de deux seuls (2) hôpitaux pédiatriques (Hôpital pour Enfants de Diamniadio et Hôpital d’enfants d’Albert Royer) ; la concentration des équipes médicales dans les régions de l’Ouest et du Centre-Ouest dont : l’imagerie médicale composée de scanners (60 % dans l’axe Dakar, Thiès et Diourbel), d’IRM (4 à Dakar, 1 à Touba et 1 en cours d’installation à Ziguinchor), de mammographies (20 dont 10 à Dakar), de tables de radiologie télécommandée (24 dont 14 dans l’axe Dakar, Thiès et Diourbel) ; la radiothérapie composée de 3 appareils dont 2 à Dakar et 1 à Touba ; 222 blocs opératoires sur le territoire national dont 85 dans la seule région dakaroise, 22 dans la région de Thiès ; 48 autoclaves fonctionnels dans le pays dont pratiquement la moitié est localisée sur l’axe Dakar, Diourbel et Thiès ; 18 amplificateurs de brillance dont 66 % sur l’axe Dakar, Thiès et Diourbel ; 227 couveuses incubateurs dont 125 dans la seule région de Dakar. Il est revenu sur la problématique de la disponibilité des médecins spécialistes et de la non maitrise de la masse salariale avec : des réaffectations ou démissions des personnels, surtout des médecins spécialistes affectés dans les régions reculées, le gap de 951 médecins spécialistes à combler pour couvrir les besoins en ressources humaines des établissements de santé et pour certaines disciplines telles que la cancérologie, la neurochirurgie, l’anesthésie-réanimation, la médecine d’urgence, la chirurgie cardio vasculaire, l’oncologie, plus de 80% des services sont concentrés à Dakar, Saint-Louis et Thiès.
Le ministre est revenu aussi sur les différentes réalisations enregistrées dans le domaine de la infrastructures sanitaires, comme la construction du Centre de santé de Ndiassane, la digitalisation de l’information sanitaire et le relèvement du plateau technique et des prestations.




