La consommation de tabac, d’alcool, de sucre et d’autres produits constituant des facteurs de risques aux maladies non transmissibles a pris une proportion inquiétante dans la capitale sénégalaise, Dakar. Cette situation fait de la région, l’une des plus menacées par ces maladies dites non transmissibles et celles émergentes.
Par Idrissa NIASSY
La région de Dakar englobe tous les facteurs de risques pouvant être à l’origine des Maladies non transmissibles (Mnt), dont les maladies cardiovasculaires, comme l’hypertension artérielle, les maladies coronariennes, les cardiopathies et la bronchopneumopathie, à cause d’une alimentation mal saine liée à la forte consommation de tabac, d’alcool, de sucre, de sel, et d’autres produits à l’origine.
À côté de ces maladies, il y a les cancers qui surviennent aussi chez les adultes que chez les enfants, le diabète et les troubles mentaux et neurologiques, sans oublier d’autres pathologies qui posent un problème de santé publique, comme la drépanocytose, l’hémophilie, la maladie rénal chronique qui y sont rattachées.
Pour la consommation du tabac, dont la prévalence au niveau national est de 6 %, dans la région de Dakar, elle est au-dessus de cette prévalence nationale, avec un taux de 7,9 %. Pour la consommation d’alcool, la prévalence globale au niveau du pays était à 3,6 %, mais Dakar s’est un peu démarquée avec une prévalence un peu élevée, qui est estimée à 5,9 %. Selon Dr Seynabou Mbow qui partageait l’enquête Steps Wise, lors de l’atelier de dissémination de es données sur la prévalence des facteurs de risques des Mnt, une consommation vraiment excessive en sel a également été remarquée à Dakar. Pour la prévalence globale qui est 75,8 %, Dakar tourne autour de cette prévalence, avec 70 %.
Concernant la consommation de sucre, dont la prévalence globale est de 29,1 %, la région de Dakar est bien au-delà, avec un taux de 40,2 %. « Tous ces facteurs de risques sont partagés avec ces maladies non transmissibles », insiste-t-elle. Tous ces résultats émanent de la deuxième enquête Steps parue en 2024. L’objectif de cet atelier est de partager les résultats de l’enquête sur la prévalence des facteurs de risques des Mnt (Steps).
L’approche Steps Wise est un outil qui est proposé par l’Organisation Mondiale de la Santé. Elle sert à surveiller les facteurs de risque de ces maladies non transmissibles. « C’est un outil adapté aux pays en voie de développement ou intermédiaires, qui nous aide à orienter et à mettre en place un système de surveillance de ces facteurs de risque de maladies non transmissibles, mais aussi à fournir un cadre et une approche afin de renforcer la disponibilité des données », a-t-elle expliqué. La taille de l’échantillon est calculée à 7 203, et est réparti dans 480 sites de recensement. La région de Dakar a eu la grosse part avec 110 sites de recensement.
Dans chaque site de recensement, il y a 15 ménages qui étaient tirés, et dans chaque ménage, c’était une personne qui avait été tirée grâce à l’application Steps pour mener l’enquête. Au-delà des ménages, des équipes de collecte ont été mises en place et sont composées de 132 agents de collecte répartis en 33 équipes, dont chacune avait quatre enquêteurs et un chauffeur.
La population dakaroise sédentaire
L’Enquête sur les facteurs de risque des Mnt a également montré que la population dakaroise est majoritairement sédentaire. Car, pour les personnes faisant l’activité physique, la prévalence globale était de 86,1 %, et pour la région de Dakar, c’est une prévalence à 76,3 %, confirmant la sédentarité. Et pour les personnes qui ne pratiquent pas d’activité physique intense, cette prévalence au niveau national est de 69,9 %, contre 63,9 % au niveau de la région de Dakar.
Les infections respiratoires chroniques ne sont pas en reste. Sur les 17,8 % de la population enquêtée avait une infection respiratoire chronique au niveau du pays et Dakar avait une prévalence qui était à 10,9 %. Pour la crise cardiaque, la prévalence globale qui est à 3,6 % au niveau national, est à 3,9 % pour la région de Dakar. Pour les accidents vasculaires cérébraux, la prévalence globale était de 16,1 % et au niveau de la région de Dakar, on peut voir que cette prévalence était proche de la prévalence globale puisqu’elle était à 15,6 %. Pour la maladie rénale chronique, au niveau national la prévalence est à 4,3 %. Pour la région de Dakar, elle a connue une légère baisse et est à 3,8 %. Toutes ces prévalences montrent la région est très touchée par les maladies non transmissibles qui représentent actuellement 53 % des décès au Sénégal.
Les maladies émergentes dictent leur loi
Aux Sénégal, malgré les dégâts causés par les maladies non transmissibles et certaines pathologies constituant un problème de santé publique, comme la drépanocytose, les maladies émergentes comment à dicter leur loi, à l’image de la variole du singe ou Mpox où des cas sont diagnostiqués, et la fièvre de la Vallée du Rift. Pour la drépanocytose dont la prévalence est de 9 %, dans la région de Dakar, elle est assez élevée avec un taux de 14,1 %.
Pour la surcharge pondérale (surpoids), la prévalence globale est de 28,8 % au niveau du pays, mais Dakar est un peu singularisée avec une prévalence qui est à 38 %, Ce qui veut dire qu’une bonne partie de la population dakaroise est en surpoids et menacée par l’obésité. « On remarque que les femmes sont plus en surpoids avec 38,9 % par rapport aux hommes.
Pour l’obésité aussi, on a une prévalence qui est à 10 %, mais avec une prédominance toujours chez les femmes qui est à 16,3 %. L’hypercholestérolémie est aussi en augmentation dans la région, surtout chez la tranche d’âge entre 45 et 69 ans qui est très touchée par cette hypercholestérolémie. Pour l’hypertension artérielle, Dakar a connu une légère baisse (25 %), contre une prévalence globale au niveau du pays de 28,2%. Concernant les traumatismes liés aux accidents, le nombre de traumatismes qui nécessitaient une prise en charge était estimé à 34,4 % dans la région de Dakar et au niveau national c’est à 44,4 %. Ceux qui étaient victimes d’actes de violence suivant les régions, là on avait une prévalence globale qui est à 5,3 % et Dakar a une prévalence assez similaire égale à 5,2%. Pour les troubles visuels de près ou de loin, Dakar a un taux supérieur à 20 %.
Dakar au-devant de la scène en termes de prévalence
Prenant la parole à cette rencontre la Directrice régionale de la santé de Dakar, Dr Ndeye Maguette Ndiaye Ndome, a fait savoir qu’en termes de de prévalence par rapport aux différentes maladies, au comportement, Dakar est au-devant de la scène. « Pour parer à cette éventualité, c’est seulement la promotion et la prévention qui pourront nous faire sortir de ces différents phénomènes-là », a-t-elle déclaré. Pour faire face à l’émergence des Mnt, dit-elle, un plan multisectoriel sera élaboré où tous les secteurs devront contribuer à la lutte contre les maladies non-transmissibles. « Tous les départements vont faire la même chose à travers les districts sanitaires », a-t-elle expliqué. Avant de conclure : « nous espérons qu’avec le financement de ce plan, qui sera certainement appuyé par le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, on pourra tous travailler autour de cette question qui est un problème majeur de santé publique ».
