Dans le cadre des « Mercredis de l’Ajspd », le Pr Saïd Nourou Diop, diabétologue, endocrinologue de renommé, était l’invité numéro 6 de l’Association des journalistes en santé, population et développement. Axée sur le thème : « Diabète et Ramadan », cette rencontre tenue en collaboration avec l’Assad, est une occasion pour ce dernier de revenir sur les risques qu’encourent un diabétique qui a jeûné.
Par Idrissa NIASSY
« Avec l’hypoglycémie, même à 5 mn de rompre le jeûne, il faut arrêter de jeûner pour éviter des complications ». Tel est l’avertissement du Professeur Saïd Nourou Diop, diabétologue de renommé. Selon lui, quand il s’agit d’un jeûne, le principal risque c’est l’hypoglycémie. Parce que la personne diabétique ne peut ingérer ni liquide, ni solide dans son corps durant une période prolongée de jeûne. Ce qui fait qu’elle devient vulnérable et doit arrêter forcément de jeûner.
« Dans le coran, il est mentionné que la personne qui a des complications qui peuvent la mettre en danger, doit être exemptée du jeûne pour de bon », a-t-il précisé. «Même la personne âgée qui n’a pas la capacité de jeûner, on doit lui demander d’arrêter», ajoute-t-il. Pour le Pr Diop « Dieu nous a dit que si vous êtes malade, ne jeûnez pas ». D’après lui, il est préférable de se référer au nouveau score de risque pour éviter ces interprétations.
Le Pr Nourou était l’invité numéro 6, hier, de l’Association des journalistes en santé, population et développement, dans le cadre de son concept dénommé « Les Mercredis de l’Ajspd », tenu en collaboration avec l’Assad. Selon lui, 6 à 8 semaines avant le Ramadan, le patient doit aller voir son médecin pour une pré-évaluation médicale. « Si une personne diabétique de type 1 voit sa glycémie augmenter de 3 voire 4 g/l, son hyperglycémie va se manifester par une soif intense et une envie fréquente d’uriner. Ce qui fait qu’une quantité élevée de glucose circulera dans son sang et son organisme, en manque d’insuline, cela va alors dégrader les graisses pour survivre et produire de l’acétone qui, à son tour, va acidifier le sang et, si rien n’est entrepris, elle va donc arriver en état d’acidocétose avec nécessité d’apport urgent d’insuline », a-t-il fait valoir. Ce qui est une grave complication du diabète.
Comme pendant le mois de Ramadan, on mange beaucoup de sucre, beaucoup de graisse, ce dernier d’indiquer que cela va « déséquilibrer le diabète ». Pour le diabétique qui a la possibilité de jeûner, et à qui on peut recommander de le faire, il est appelé à comprendre sa glycémie au moins trois fois dans la journée. « Il faut également faire un dépistage de l’hypertension artérielle, du diabète, des anomalies des graisses dans le sang, de l’insuffisance rénale », a-t-il conseillé. « Mais si vous êtes apte à jeûner et que vous prenez déjà des médicaments, votre médecin devra les adapter au Ramadan (dose, heure, …). Ce qui fait qu’il va vous informer aussi sur la façon de gérer au mieux votre maladie et votre alimentation pendant la période du Jeûne », ajoute-t-il.
Pr Nourou conseille également à ceux à indice faible au repas avant l’aube, de manger des fruits et légumes à chaque repas. Mais aussi, il leur recommande de choisir les viandes maigres afin de limiter les lipides, et de s’hydrater correctement avec de l’eau entre les repas, tout en minimisant les boissons caféinées.
Le diabète, une maladie dangereuse
Le diabète sucré étant la seule maladie qui suscite autant d’intérêt pendant le mois de ramadan, est une maladie chronique caractérisée par une augmentation chronique du taux de sucre dans le sang, du fait que le corps ne peut l’assimiler correctement. Et cela est expliqué par deux raisons. Premièrement, le pancréas qui est l’organe qui produit l’insuline, n’a plus la capacité de produire cette insuline, ou n’a plus la valeur qu’à 50% pour la produire. Pour le deuxième phénomène, l’insuline peut être produite, mais n’a pas l’efficacité qu’il faut. Parce qu’il y a beaucoup de facteurs qui contrecarrent son action. Et parmi ces facteurs, le foie, qui est le stock du sucre, va sortir plus de sucre qu’il ne faut dans l’organisme, ce que le pancréas ne peut pas faire.
En Afrique, 19 millions de diabétiques sont connus en 2021. Et parmi eux, 81 % ne sont pas diagnostiqués. Au Sénégal, où 2 000 nouveaux cas sont enregistrés par an, la prévalence globale est de 3,45 %, soit 544 000 individus. Pour les sujets de 40 ans c’est 5,4 %. Ce qui fait dire au Pr Nourou que « dans la prise en charge l’auto gestion est essentielle ». Parce que 3 à 4 personnes sur 5 ignorent leur état. D’où l’importance de l’implication du patient. À 60 ans, c’est 10 % de cette coche de la population qui a le diabète. «C’est une maladie qui a de la force. Et ce qui est plus grave, c’est qu’il y a d’autres facteurs de maladies chroniques qui y sont associés», explique-t-il. Il s’agit de l’hypercholestérolémie, qui est de 20 % de la population. L’hypercholestérolémie, c’est l’augmentation des graisses dans le sang ; l’obésité, 22%.
L’autogestion de la maladie est essentielle
Selon Pr Nourou Diop, dans la présence du diabète, l’autogestion de la maladie est essentielle. Parce qu’on ne peut pas passer tout le temps à suivre le patient. «Son implication dès le diagnostic est importante», a-t-il expliqué. «Pour le diabète, le combat se gagne dès le premier contact, ou se perd dès le premier contact. Car, le patient une fois reçu doit être rassuré dès le départ pour éviter que santé ne vire à la catastrophe », ajoute Pr Saïd Nourou Diop. Sénégal, où la maladie n’a pas de budget, il est appelé à étudier une modalité d’une prise en charge adaptée et accessible. Ce qui fait, qu’il faut vaincre les difficultés et les obstacles. Pour le Pr Saïd Nourou Diop, «le diabète progresse très vite et aucune famille n’est épargnée». Et même certains soignants ne sont pas au courant. Il a également fait part qu’il n’existe pas de trace de diabète. «Soit on est diabétique ou on ne l’est pas», dit-il. Pour une personne qui a entre 0,80 et 1 gramme ou plus, doit être surveillée parce qu’elle peut aller vers le diabète.
Les trois types de diabète
Il y a trois types de diabète : le diabète de type 1 qui touche à peu près 10 à 11 % des diabétiques au Sénégal. Selon Pr Saïd Nourou Diop, «ces personnes atteintes par cette pathologie vont utiliser l’insuline toute leur vie». Ce diabète est lié au fait que les cellules du pancréas, qui sécrètent l’insuline, sont détruites. Ce type de diabète touche beaucoup plus les plus jeunes, entre 10 ans et 25 ans ; le diabète de type 2 qui est non insulinodépendant, touche 90 % des diabétiques. Le pique, c’est à plus de 40 ans ; et le diabète gestationnel qui survient pendant la grosses et disparait après la grossesse. Mais, ce diabète-là qui apparaît pendant la grossesse et qui disparaît à la fin de la grossesse pourrait revenir, d’après lui, dans la grossesse suivante. «Si on prend 100 femmes qui ont fait des diabètes gestationnelles, au bout de 5 ans, il y en a 35 % qui vont devenir la majorité». Pour ce genre de diabète, précise ce dernier, « il faut aller le chercher après 26 semaines ». Ce type de diabète, s’il n’est pas pris en charge, cela peut amener des avortements et autres complications. Si c’est au-delà de la grossesse, alerte-t-il, « ça peut amener une interruption de grossesse quand c’est à la fin, ça peut amener des malformations chez le fœtus». «Au cours des autres grossesses si on n’y prend en charge ça peut devenir un véritable diabète», a-t-il poursuivi. Ce qui fait, qu’il est important de le diagnostiquer le plus tôt possible. Pour le Pr Nourou, le diabète étant une maladie progressive, peut avoir de sérieuses conséquences sur la santé de l’individu. Car ça peut toucher à moyen terme les petites et les grosses artères de l’organisme, comme les yeux, les pieds. Le diabète donner des complications cardiaques et peut atteindre les nerfs et les artères. Avant de déclarer que «le traitement du diabète est un traitement de prévention des complications». Et que la seule manière de prévenir, c’est «au départ de bien expliquer à la personne que son diabète peut être normalisé ».
Diabète et médicaments traditionnels
Pour ceux qui pensent que les médicaments traditionnels peuvent soigner le diabète, ils n’ont qu’à démordre. Car, malgré tous les tests fait sur 60 à 70 plantes au niveau de la Faculté de pharmacie, aucun n’a prouvé pour le moment que ces plantes peuvent soigner cette maladie. «Un scientifique ne va pas dire que telle plante fait baisser la glycémie», a-t-il précisé. «En matière de recherche pharmaceutique, sur le médicament, il y a ce qu’on appelle les cinq phases. Il y a la phase d’abord de l’éprouvette, où on regarde quels sont les effets du produit qu’on a trouvé. Ensuite, il y a la première phase d’essai chez l’animal. La troisième phase consiste à tester chez les volontaires sains d’abord, pour voir quels peuvent être les effets secondaires. Ensuite, il y a la phase de test chez les personnes qui ont la maladie. Et enfin, après tout cela, il y a cette phase de test chez les malades. Habituellement, on se donne un temps assez long, de 24 ou 30 semaines, ou même cinq ans, avant de dire, voilà, maintenant on connaît les effets positifs du produit, on connaît ses effets secondaires, on connaît ses contre-indications. Alors, ce qu’il nous manque par rapport à nos plantes pour dire que telle plante soigne le diabète. Ce n’est pas éthique», a-t-il conclu.
Le président de l’Assad, Baye Oumar Gueye, prenant la parole, est revenu sur un constat que tout le monde fait : « le mois de Ramadan est un mois de forte consommation de sucre » C’est pourquoi, il appelle à soutenir les diabétiques pour leur bien-être. Car, dit-il, «c’est seule dans l’entraide qu’on peut relever le défi de la prise en charge».