Souvent considéré comme une « maladie de la honte », causant des fuites urinaires et/ou de matières fécales par le vagin, la fistule obstétricale peut entraîner à plus long terme des problèmes médicaux chroniques chez les femmes qui en souffrent. Malgré leur guérison, ces femmes n’ont pas hésité à raconter leurs années de souffrance.
Par Idrissa NIASSY
« Je me souviens de cette nuit comme si c’était hier. J’ai passé deux jours en travail à la maison, sans ambulance pour me transporter à l’hôpital. Quand je suis finalement arrivée au centre de santé, j’ai pu donner naissance à un garçon. Mais au final, je ne contrôlais plus mes urines », a confié Aïssatou Barry, une fistuleuse guérie mère de six enfants. Cette dernière qui s’est mariée à l’âge de 16 ans, a contracté cette maladie dès sa première grossesse et n’a rien vu venir. « Au début, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. L’odeur, la honte, les draps mouillés. Mon mari qui n’a jamais dépensé aucun franc pour ma prise en charge, s’est éloigné de moi. Il a fini par dire que je le dégoûtais. Un matin, il m’a tout simplement abandonné. Sa famille disait que j’étais maudite. La mienne aussi ne voulait plus de moi à la maison, car je salissais tout. Au final, je me retrouve seule », raconte la maman dont tous les six enfants sont nés dans une structure de santé.
Cette femme n’a eu son salut que grâce à une organisation. « Comme les voies de Dieu sont impénétrables, dit-elle : « des partenaires ont payé toute ma prise depuis Dakar, en passant par Kédougou, jusqu’à Kolda où j’ai pu retrouver ma santé ». Au moment où je vous parle, je me sens très bien grâce au Tout Puissant », se réjouit la mère de famille.
«Après mon accouchement, je n’étais plus une femme»
Ramata Niang, une autre victime guérie de la fistule obstétricale a vécu des moments similaires. Cette mère de famille a souffert de cette pathologie également à cause d’un accouchement difficile. « Après mon accouchement difficile, où j’ai connu une chute, mes organes génitaux et fécal se sont mélangés. On m’a dit que j’avais une fistule. Je ne connaissais même pas ce mot. Je suis allée dans différents hôpitaux pour me faire soigner. Je vivais dans la honte constante. Ma belle-famille m’a dit que je ne servais plus à rien : ni enfant, ni propreté, ni plaisir conjugal. Mon mari m’a répudiée, m’a abandonnée, après avoir dépensé beaucoup d’argent pour ma prise en charge, en vain. Mes enfants ont été emmenés par ses parents. J’ai pleuré jusqu’à ne plus avoir de larmes. J’ai pensé mettre fin à mes jours », a témoigné Ramata Niang (âgé de plus de 30 ans), mère de quatre enfants dont l’un est rappelé à Dieu. Mariée à l’âge de 15 ans et elle a chopé cette maladie lors de l’accouchement de son dernier enfant qui est âgé aujourd’hui de plus de 5 ans. « Un jour, une sage-femme du poste de santé m’a parlé d’un centre à Tambacounda où l’on soigne les fistules. C’est là que j’ai compris que je n’étais pas seule. Maintenant, je suis guérie. D’autres femmes comme moi avaient été rejetées, humiliées. Mais certaines avaient retrouvé une vie normale. C’est ce que j’espère maintenant après 15 ans de mariage », ajoute-t-elle. Avant d’exprimer son vœu : « aujourd’hui, tout ce que je veux, c’est retourner auprès de mon mari qui m’a abandonnée ».
« Mon mari a beaucoup contribué dans ma maladie »
Hawa Diaw qui habite dans un village non loin de Kidira et âgé aujourd’hui de plus de 60 ans, a partagé son vécu avec les journalistes membres de l’Ajspd. Plus chanceuse que les autres, Hawa a été soutenue économiquement et spirituellement par son mari jusqu’à sa guérison totale. Revenant sur sa maladie, elle se laisse aller : « au moment de l’accouchement, j’étais très fatiguée. Parce que j’ai fait un accouchement de siège, c’est-à-dire que c’est le pied qui est sorti en premier. Ce qui m’a beaucoup fatigué. Mais je l’ai accouché, il y avait beaucoup d’eau qui coulait. C’est après qu’on m’a annoncé que j’ai la fistule », a-t-elle raconté les larmes aux yeux. « Heureusement, j’ai été opérée avec succès par des médecins venus de la France et soutenue par le médecin-chef de la région de Tambacounda », dit-elle. Hawa Diaw a été touchée par la maladie alors qu’elle était à son 7ème enfant et âgé à l’époque de 34 ans, avec des grossesses très rapprochées. « Ma maladie était très douloureuse, malgré le soutien indéfectible de mon mari. J’ai parcouru de longues distances pour me faire soigner, de Ziguinchor, en passant par Tambacounda pour des opérations. Mais celle de Saint-Louis a pu me sortir de l’ornière. Parce qu’elle m’a permis de retrouver la santé », a-t-elle conclu.
Cette dame née à Kayes, est élevée dans le village de Séoudji où elle vit actuellement avec son mari et ses enfants dont certains sont mariés maintenant.
