En Afrique subsaharienne, le financement de la santé est une problématique qui empêche d’atteindre la souveraineté sanitaire. Pour contourner cet obstacle, un spécialiste plaide pour le financement domestique de la santé.
Par Idrissa NIASSY
Le docteur Cheikh Mbacké Faye, chercheur principal à l’African Population and Health Research Center (Aphrc) a plaidé hier pour une souveraineté sanitaire des pays d’Afrique subsaharienne en renforçant le financement domestique de la santé. Pour cela, il invite à encourager l’investissement surtout privé dans la demande de la santé pour éviter que notre système de santé continue d’être financé à partir de l’extérieur. « Nous devons encourager l’investissement privé dans la demande de la santé, tout en faisant de sorte que nous assurions plus notre souveraineté sanitaire », a-t-il plaidé.
Pour lui, nos systèmes de santé ne peuvent pas être continuellement confiés à des étrangers. C’est pourquoi, il appelle à compter sur l’intelligencia africaine pour développer nos systèmes sanitaires. Dr Cheikh Mbacké Faye s’exprimait hier lors d’une table ronde avec les médias représentés par des journalistes membres de l’Ajspd, en prélude au lancement officiel du Rapport Countdown Lancet 2025. Selon lui, les ménages sénégalais assurent à eux seuls près de 46 % des dépenses de santé, alors que l’État n’en couvre qu’environ un ¼ laissant le reste à l’extérieur.
Malgré les efforts faits par le Sénégal pour permettre à 96 % des femmes d’accoucher avec un personnel qualifié, ce dernier d’insister sur la digitalisation du système de santé pour améliorer non seulement la traçabilité, la qualité, mais l’accessibilité des soins, y compris par la télémédecine, la mobilisation des investisseurs locaux pour rendre le secteur de la santé plus attractif économiquement, avec la valorisation de l’expertise nationale, souvent sous-utilisée, notamment dans les régions éloignées. Il est revenu également sur les inégalités en matière de santé qui restent beaucoup plus exacerbées en Afrique de l’Ouest et du Centre avec un système de santé moins adapté. Parce que, la carte sanitaire est parfois décidée par les politiques qui permettent d’implanter des structures sanitaires dans des zones qui ne sont pas nécessiteuses provoquant ainsi des déserts médicaux dans d’autres parties du pays.
« C’est un problème africain que l’on doit régler au niveau de l’Afrique », a fait savoir Kandala Ngianga Bakwin, Chef de groupe de recherche sur la transition démographique, fécondité, urbanisme et migration. Pour lui, la distribution des ressources en termes de santé en Afrique, parvient en majeure partie de la politique.
15 millions de décès maternels attendus d’ici 2030
Revenant sur la réduction de l’aide des États-Unis, Dr Faye de faire savoir qu’avec les premières conclusions du Rapport Countdown Lancet 2025, on risque d’atteindre 15 millions de décès maternels dans le monde d’ici 2030, ce qui est dramatique. « S’il n’y a pas d’alternative, et même dans une alternative, où le financement allait reprendre, disons, dans quelques années, il y aura eu beaucoup de décès », insiste-t-il. Pour lui, cette situation est une opportunité historique pour les pays africains de repenser le financement de la santé. Prenant l’exemple du Sénégal, il est également revenu sur certains programmes qui avaient été entièrement financés par les partenaires étrangers et qui, dès leur arrêt, ont impacté tout le monde, les prestataires de services qui étaient dedans, qui étaient en contrat, mais également le système de santé. « Maintenant, il faut innover, si on veut aller de l’avant », a-t-il déclaré.
Le changement climatique impacte la santé
Selon lui, les changements climatiques posent énormément de problèmes à la santé. Car, ils impactent directement sur la survie de l’enfant, mais également sur la mère de manière générale. Pour lui, le Sénégal, comme le monde, est lourdement touché par ce phénomène et reste l’un des pays les plus vulnérables. Car, avec les fortes chaleurs, une femme enceinte ne peut pas sortir pour aller à l’hôpital, ce qui provoque des modifications sur la santé maternelle. «Beaucoup d’études scientifiques ont montré que les changements climatiques ont des impacts sur la santé maternelle et néonatale, en particulier en matière d’accouchement », explique Dr Faye. Il a fait part, par ailleurs, qu’au Sénégal il n’y a pas un plan d’adaptation du système de santé. Il y a également le problème de financement, le problème climatique provoquant la diminution du taux de fécondité, et la question du genre qui impacte dangereusement sur les femmes.
