Par Dr. Samora Otieno
Depuis des décennies, la trajectoire de développement de l’Afrique est fortement influencée par l’aide extérieure. Si cette aide a répondu et continue de répondre à de nombreux besoins immédiats, elle est dictée par les politiques des pays donateurs et manque souvent d’alignement sur les priorités locales, ce qui conduit à une déconnexion avec les communautés qu’elle vise à servir.
Avec l’évolution constante des priorités nationales, conjuguée aux changements politiques et de leadership cycliques, il n’est pas rare que les programmes financés par les donateurs soient contraints de modifier leurs priorités en cours de route. Ces dernières années, nous avons vu les donateurs occidentaux traditionnels privilégier leurs intérêts nationaux et réduire de plus en plus leurs budgets d’aide à l’Afrique.
Alors que le financement des donateurs en Afrique continue de diminuer, une dure réalité s’impose : l’Afrique doit mobiliser ses propres ressources et cultiver une culture de philanthropie locale pour assurer un avenir durable et autodéterminé. Cette période de changement des priorités mondiales n’est pas seulement un défi, elle invite les gouvernements africains, les acteurs du secteur privé et les personnes fortunées à s’engager et à investir dans le potentiel du continent.
La mobilisation des ressources locales est plus qu’une stratégie de financement ; c’est un impératif moral qui reflète l’appropriation, la responsabilité et l’engagement à long terme envers les communautés que nous servons. Lorsque les citoyens africains investissent dans des solutions africaines, l’impact est non seulement plus profond, mais aussi plus durable.
À l’approche de la Conférence inter-pays CorpsAfrica 2025, prévue à Nairobi en juin prochain et qui réunira 1 000 parties prenantes, dont des jeunes de 10 pays africains, pour une semaine d’apprentissage mutuel et d’échanges innovants, le message est clair : le développement de l’Afrique devra être mené et financé par les Africains.
Le modèle de CorpsAfrica, qui vise à donner aux jeunes Africains les moyens de servir au sein de communautés défavorisées de leur propre pays, s’écarte audacieusement des paradigmes de développement conventionnels. Tout en mobilisant les ressources locales, les volontaires vivent dans des communautés mal desservies et travaillent ensemble à l’identification des besoins et des atouts locaux afin de co-créer et de co-concevoir des projets à petite échelle mais à fort impact.
Des systèmes d’approvisionnement en eau aux programmes éducatifs, basés sur une approche de développement communautaire, ces expériences immersives favorisent une profonde empathie et une compréhension mutuelle entre les jeunes urbains instruits et les communautés rurales. Les volontaires acquièrent des compétences essentielles en leadership, gestion de projet, développement communautaire et résilience, formant ainsi la prochaine génération d’acteurs du changement, engagés dans le progrès collectif de l’Afrique.
C’est le type d’initiatives que la philanthropie africaine doit soutenir et développer en termes d’action et de dignité, non seulement en tant que charité, mais aussi en tant qu’investissement stratégique et catalyseur dans l’innovation, la cohésion sociale et le capital humain. Pour un impact et un changement significatifs, les communautés africaines doivent être à l’avant-garde de l’identification et de la priorisation de leurs besoins de développement tout en concevant et en mettant en œuvre ces solutions locales.
Une nouvelle génération de philanthropes africains – entrepreneurs, chefs d’entreprise et citoyens ordinaires – doit désormais se lever pour montrer la voie. En mobilisant les ressources locales et en encourageant l’action citoyenne, l’Afrique peut non seulement surmonter cette transition financière, mais aussi en sortir plus forte, plus résiliente et plus autonome.
L’avenir du développement africain doit reposer sur la détermination africaine, déterminée et façonnée par les personnes qui vivent leurs expériences ici.
Dr. Samora Otieno




