Le réaménagement ministériel est marqué par la nomination d’un pro Pastef et d’une responsable patriote, Me Bamba Cissé et Yassine Fall, à l’Intérieur et à la Justice, à la place de deux personnalités de la société civile : Général Jean Baptiste Tine et Ousmane Diagne. Rien ne garantit pourtant à Pastef, d’imposer sa loi dans ses départements stratégiques. Analyse
Par Babacar DIONE
Deux faits marquants méritent une lecture particulière de ce nouveau remaniement ou plus exactement réaménagement ministériel. Il s’agit de la nomination de Mme Yassine Fall au poste de ministre de la Justice et de l’arrivée de Me Bamba Cissè au ministère de l’Intérieur.
Depuis l’accession du président Diomaye au pouvoir, les militants de Pastef ont jeté leur dévolu sur la Justice marquant leur désaccord quant au choix d’Ousmane Diagne à la tête de ce département stratégique. Leur soif de vengeance ne pouvait être assoupie qu’avec l’arrestation des dirigeants du régime de Macky Sall, responsables, à leurs yeux, de la mort d’un peu plus de 80 personnes durant les événements de 2021, 2022 et 2023.
Ce qui devrait passer, à les entendre, par une justice aux ordres, à la tête de laquelle devrait siéger un responsable ou tout simplement un militant de Pastef. Ousmane Diagne était loin de faire l’affaire. « Ne comptez pas sur moi pour mettre la pression sur les magistrats du siège », ne cessait-il de clamer à l’endroit des militants, et des responsables de Pastef dont les députés. Mais aussi du Premier ministre, Ousmane Sonko, qui a manifesté à maintes reprises son désaccord quant au traitement des dossiers impliquant ses adversaires politiques.
L’impression d’avoir en Yassine Fall, une personnalité politique et responsable de Pastef comme ministre de la Justice est en elle-même source d’apaisement pour les militants. D’ailleurs certains d’entre eux commencent à partager les positions tranchées de l’ancienne ministre des Affaires étrangères sur la nécessité de la reddition des comptes.
DURE RÉALITÉ
Malheureusement, le réveil risque d’être brutal pour la bonne et simple raison que Mme Fall ne va pas tarder à montrer ses limites. Elle va bientôt faire sienne la vérité de son prédécesseur, Ousmane Diagne, à savoir qu’elle n’a pas de prérogatives à rendre la justice. Son rôle, voire son influence iront difficilement au-delà du parquet. Et elle devra faire preuve de tact et prendre toutes ses précautions pour huiler ses relations avec les magistrats et les acteurs de la justice en général.
Il n’y a que les militants de Pastef qui n’ont pas compris que les promesses de campagne, notamment en matière de justice, ne peuvent être satisfaites que si elles reposent sur un dossier solide. Il revient au Premier ministre, président de Pastef de leur tenir un langage de vérité.
Ousmane Sonko joue certes sa crédibilité en voulant vaille que vaille que montrer que ses propos d’opposant n’étaient pas que du vent.
Seulement, ni les Sénégalais, encore moins les magistrats n’accepteront une justice aux ordres, au service exclusivement du vainqueur c’est-à-dire de la majorité.
La même situation pourrait prévaloir au ministère de l’Intérieur. Mettre l’avocat d’Ousmane Sonko à la place d’un général semble plus rassurant pour les militants. Même si les plus exigeants s’attendaient à un ministre de l’Intérieur patriote et politique.
A quoi de plus s’attendre que ce qu’a pu faire Jean Baptiste Tine ? La liberté d’expression n’a jamais autant souffert que ces derniers mois. En cause, les convocations et arrestations tous azimuts par une cyber sécurité, à fond sur les délits d’opinion. On attend de voir ce que seront la gestion de l’administration territoriale et l’organisation des élections sous Bamba Cissé. Mais à ce niveau également, comme pour le ministère de la Justice, aucun grand écart ne sera possible. L’administration centrale comme territoriale est déjà assez organisée et professionnelle pour se permettre des sorties de piste fatales à la République. Même si on n’est pas à l’abri de dérive comme celle ayant abouti à la mise à l’écart du maire de Dakar, Barthélémy Dias, par un… adjoint au préfet.
Le renseignement étant un maillon important au département de l’Intérieur et de la Sécurité publique, certains n’hésitent pas à dire que l’arrivée de Me Cissé pourrait beaucoup profiter à Ousmane Sonko. Ce dernier se plaignait, il n’y a guère longtemps, de manquer d’informations sur ce qui se passait au sommet de l’Etat
Babacar DIONE