L’ancien président de la république du Sénégal, Macky Sall se raconte dans un entretien accordé à H5 Motivation. Il revient sur son histoire, sa carrière d’ingénieur, d’homme politique et d’ancien chef de l’Etat et sa vie actuelle…
Entretien…
Par Dieynaba TANDIANG (avec H5 Motivation)
Comment tout a commencé
Mon histoire est une histoire normale, histoire de tout jeune africain né après les indépendances dans une contrée très connue au Sénégal, Sine qui était un royaume connu pour ses valeurs. Je suis issu d’une famille du nord du Sénégal, une famille puular qui s’est émigrée vers le pays sérère. Mes parents s’y sont installés, mon père dès 1950 à la recherche de travail comme tout bon migrant. Il s’y est finalement installé, a fondé une famille, a fait venir ma maman qui était également sa cousine du nord. Et nous sommes nés, une fratrie de cinq personnes dont je suis le deuxième et l’aîné masculin donc le Khalife de la famille. Je suis né dans une famille modeste mais qui a été éduqué dans des valeurs de civilisation africaine, le pullagu dans la culture peule, des valeurs de courage, de dignité, d’honneur. Cela m’a marqué très tôt et ce qui m’a motivé aussi à me battre pour me réaliser, à réussir ma vie à travers mes études. Mon père, je me rappelle, ne disait toujours qu’il faut que ton pique ou ta pelle soit ton stylo. Donc il fallait faire les études. Cela m’a beaucoup motivé et c’est pourquoi, j’ai très tôt réussi mes études primaires, secondaires et dès le lycée, j’ai une vocation de devenir ingénieur géologue, puisqu’à l’époque, il y avait beaucoup de débat sur les mines de fer au Sénégal oriental et cela, en partie m’a poussé vers la géologie, alors que mon père souhaitait que je sois plutôt un ingénieur agronome parce qu’il travaillait dans l’agriculture et leur chefs, les agronomes français à l’époque, ils les voyaient comme des devins ; donc avoir un fils agronome c’était aussi un grand rêve pour lui. Mais, au lieu du sol j’ai choisi, la logique du sous-sol et je suis devenu ingénieur géologue après mon bac, l’institut des sciences et de la terre de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, une formation que j’ai complété quand la société de pétrole m’a recruté m’a envoyé à Paris à l’Ecole Nationale Supérieur du pétrole et des moteurs pour faire une spécialité en géophysique pétrolière.
Pendant cette formation je me suis confronté aux idées politiques très tôt aussi. Je suis né après les indépendances et nous sommes les héritiers légitimes des pères de l’indépendance. Ce que Amadou Hampathé Ba a appelé les fils aînés du 20e siècle se sont battus pour la décolonisation.
De numéro 2 de l’Etat je suis devenu citoyen ordinaire
Avec Me Abdoulaye Wade, j’ai été plusieurs fois ministre. J’ai d’ailleurs dirigé les Infrastructures après le naufrage du Joola, ce qui fut un travail très dur. J’ai occupé d’autres postes, j’ai ensuite été Premier ministre pendant 3 ans et demi. En 2007, lors de la Présidentielle, Wade m’a nommé directeur de campagne et il a gagné, dès le premier tour. Lors de ce second mandat, le président a décidé de m’envoyer à l’Assemblée nationale. C’est comme ça que je suis devenu président du Parlement. Et c’est là que tous mes problèmes ont commencé.
J’ai vu la solitude et le vide s’est créé de lui-même. Ce qui est normal car personne ne voulait mourir avec moi. Quand on est dans le combat politique et qu’on sent que la tête se dérobe, qu’on est dans une phase difficile, qu’on vous désigne pour vous abattre, le vide s’organise automatiquement autour de vous. Quand j’allais accompagner le président à l’aéroport, j’étais immédiatement isolé. Mais quand vous sentez que le combat est inévitable, qu’il vous est imposé, on doit mourir les armes à la main mais pas capituler, surtout je sentais que je n’avais rien fait de mal. Donc il fallait assumer et je l’ai assumé sans savoir ce qui allait se passer. J’ai décidé de démissionner et de rejoindre l’opposition. Après la destitution je me suis libéré de tous mes mandats et j’ai créé mon parti et c’est là que je me suis mis dans la perspective de conquérir le pouvoir.
Le soir de son élection
Ce qui s’est passé j’étais au Radisson Blue on attendait les résultats. Un représentant de l’UE est venu me voir et vers 21h 21 30mn quand Abdoulaye Wade m’a appelé, j’ai pris le téléphone je suis tombé sur Karim qui m’a dit que le Président voulait te parler je l’ai eu au et il m’a dit : « Macky écoute les résultats sont sortis et c’est toi qui as gagné l’élection donc je voulais te féliciter ». Nous sommes en Afrique et c’est quand même fort. Je lui dis : monsieur le Président je vous remercie pour ce geste et je n’en attendais pas moins de vous. Je lui dis et comment va la première dame, il me dit qu’elle est là avec les enfants, je lui rends hommage et jje salue également Sindiely et Karim. Le représentant de l’UE a suivi la conversation. Quand j’ai raccroché j’ai dit à ma femme que c’était le président Wade et qu’il reconnaissait que j’ai gagné. Je me suis assis. Le représentant de l’EU me dit que mais vous vous rendez-compte vous venez de gagner mais il faut le fêter (…) Il était étonné qu’il n’y ait pas eu de manifestation de joie parce que moi je mesurais la charge qui attend.
Loi sur l’h0mo$£xualité
Je suis contre l’injonction civilisationnelle d’où qu’elle vienne. Sur ce sujet j’ai été très clair tant que j’étais président du Sénégal je ne me vois pas modifier cette législation dans le sens de la dépénalisation puisqu’une loi incarne un code de valeurs… On ne peut accepter que des autres plus puissant ou qui pense donner de l’aide puisse imposer aux Etats africains de changer. Ça je l’ai toujours refusé et ça a été une ligne de conduite de mon gouvernement. Ce combat je l’ai poursuivi jusque devant la tribune des Nations Unies.
Dette Africaine
Le système international est organisé en matière de dette par les lois du marché et ce marché est dominé par les USA et ils ont mis en place les trois plus grande agence de notation et en fonction de la notation qu’il vous donne votre positionnement détermine le niveau de risque qui vous est affecté et selon le niveau de risque vous payez des assurances qui peuvent être très élevés parce que vous êtes considéré comme un pays à risque et donc vous vous endettez plus cher et en général en Afrique les gens s’endettent 5 fois voire 8 fois plus chers que les pays européens, même s’il y a eu des pays européens qui ont été en défaut. Parce que si on considère que nous sommes un pays à risque parce qu’en Afrique quand un pneu brûlé on dit que le pays est brûlé, c’est dans l’instabilité et pourtant en Europe ça brûle aussi mais ça ne choque pas.
C’est cette notation qui nous coûte le plus cher, ce n’est pas la dette.
Candidature au Secrétariat Général de l’ONU
Un sujet sur la table depuis quelque temps. Il y a beaucoup de personnes, beaucoup d’organisations, de pays mêmes qui pensent que je devrais pouvoir candidater pour le poste Secrétaire général de l’ONU, après Guterres. Je pense que mon expérience personnel qui est parti du local au régional puis au global, devrait pouvoir me permettre, avec tout le cheminement que je j’ai fait, d’aider à bâtir une organisation nouvelle refondée, à la lumière des difficultés que l’ONU a aujourd’hui pour que les blocs qui s’affrontent puissent se parler ; parce que nous avons besoin des Nations Unies plus que jamais, les crises sont là multiformes plus complexes (Terrorisme, Palestine, Liby…) nous avons besoin d’une organisation crédible qui puisse parler à tous pour éviter cette fragmentation qui est en voie de se passer. Je pense pouvoir avoir la capacité de parler aux uns et aux autres vu ce parcours, mais je ne pourrais envisager de candidater que dans l’hypothèse où évidemment cela serait une volonté des pays qui le souhaitent, notamment des pays membres, l’Afrique, mon pays le Sénégal, le monde islamique…
Je ne suis pas encore candidat mais je ne l’écarte pas si les gens estiment que je peux apporter modestement ma contribution pour redorer le blason de l’ONU.
La vie après la fonction présidentielle
Cette transition je l’ai vécu de façon très sereine parce que j’ai choisi de ne pas être candidat pour un nouveau mandat alors que j’aurais pu au terme de la Constitution sénégalaise. Mais j’ai choisi de quitter après mes deux mandats. Donc dans ma tête je devenais un simple citoyen, parce que ça a été mon choix. Et si on est conscient que ces positions éminentes le sont pendant un moment et pas pour l’éternité, on doit pouvoir assurer la transition sans difficulté dans la tête d’abord et après le service public on doit retrouver la vie normale d’un citoyen. C’est beaucoup plus simple et on n’a plus le faste du pouvoir,
Quand j’ai quitté en avril 2024, j’ai utilisé ce temps à beaucoup travailler sur les questions climatiques en même temps à écrire cet ouvrage et même à me remettre au coran, à rester connecté à mon parti. Je m’occupe mais je ne me sens pas seul dans cette vie. Finalement c’était une bonne chose d’avoir ce recul et de voir les choses autrement.
Message à la jeunesse africaine
La jeunesse africaine doit comprendre qu’unie et formée, personne ne pourra empêcher à l’Afrique d’être le continent du futur et d’occuper la première position.