CANCER PÉDIATRIQUE : Certains virus à l’origine de la maladie
En Afrique, la question liée au cancer de l’enfant est un sujet problématique dont on ne parle pas assez. Si dans le monde, on dénombre chaque année à 400 000 le nombre d’enfants touchés par le cancer, les pays à revenus faibles ou intermédiaires paient le plus lourd tribut, même si 1 % échappe à des diagnostics en Afrique subsaharienne. Pour attirer l’attention des dirigeants africains sur ce fléau, le Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (Remapsen), dans son 5 ème webinaire de l’année 2024, a invité des spécialistes pour s’enquérir davantage de la situation des cancers pédiatriques afin de mieux informer, sensibiliser la population africaine sur les méfaits de cette pathologie.
Par Idrissa NIASSY
Même si les causes des cancers pédiatriques ne sont pas connues, contrairement aux adultes, les enfants sont souvent « vierges » de la consommation de facteurs favorisant le développement de cancer chez l’adulte (alcool, tabac, mauvaise hygiène de vie…). D’après Dr Issimouha Dill, chargée de la lutte contre le cancer au bureau régional de l’Oms Afrique (Brazzaville), certains virus, comme le virus d’Epstein-Barr, peuvent être à l’origine du cancer de l’enfant. Selon elle, six cancers de l’enfants ont été individualisés à savoir la leucémie, le cancer de l’œil, des glandes, le lymphome, les rhabdomyosarcomes et le cancer du cerveau.
« Le cancer du lymphome représente 50 à 66 % de l’ensemble des cancers de l’enfant », a-t-elle déclaré. Ces cancers chez l’enfant son souvent curables, même s’ils n’ont pas tous la même gravité et certains nécessitent des traitements plus lourds que d’autres. Quel que soit le cancer dont il est atteint, renseigne Dr Issimouha, « il existe toujours pour un enfant donné des chances de guérison ». Elle était l’invitée du Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (Remapsen) lors de son 5 ème webinaire de l’Année 2024 sur « Les cancers de l’enfant en Afrique».
Elle a profité de cette occasion pour faire savoir que peu de cancers de l’enfant sont évitables, même s’il y en a quelques-uns qui peuvent avoir un faible pourcentage de facteur de risque. « Si la mère durant la grossesse a été exposé à des radiations, des rayonnements par exemple, ou des toxines, des infections particulières, on peut dire que ça peut être à l’origine sans être certain », explique-t-elle. Mais, il y a également certains facteurs génétiques qui peuvent être à risque de cancer. C’est pourquoi, en 2018, l’Oms a lancé l’initiative mondiale des cancers de l’enfants qui sont des pathologies qui ne sont pas fréquents, mais ont une mortalité très élevée du fait des nombreux problèmes existants.
Des données sur le cancer de l’enfant inexistant en Afrique
La panéliste a cependant fait part qu’il y a très peu de données sur les cancers pédiatriques en Afrique. « Ces chiffres sont souvent sous-estimés, parce qu’il y a un problème de collecte des données », a-t-elle déclaré. Cela concerne également tous les cancers en général dans les pays de l’Oms. Elle a déploré, par ailleurs, le fait qu’il n’existe pas de registre de cancers dans beaucoup pays africains. « En Afrique subsaharienne, il n’y a que 5 registres de cancers qui fonctionnent de manière correcte. Et ces registres n’enregistrent pas les cancers de l’enfant», note-t-elle.
Pour les enfants, dit Dr Issimouha Dill, l’enregistrement se fait avec des « registres particuliers ». Mais depuis quelques années, avec l’appui du Groupe franco-africain d’oncologie pédiatrique, il y a un certain enregistrement qui se fait, bien qu’il soit encore sous-estimé. Parce que, malheureusement, peu sont diagnostiqués. Elle a également fait savoir que sur 400 000 cas de cancers de l’enfant qui sont diagnostiqués par an dans le monde, les 90 % se trouvent dans les pays à revenus faibles et intermédiaires dont fait partie l’Afrique subsaharienne. Ce qui fait qu’un enfant sur 500 en moyenne développera un cancer durant sa vie.
Les cancers de l’enfants étant les cancers qui atteignent les personnes de zéro à 19 ans doivent faire l’objet de collecte de données pour mieux prévenir la pathologie. Car, ces données aident à prendre des actions. Pour elle, tant que les pays n’ont pas de données exactes, les cancers ne deviendront jamais pour eux un problème de santé publique. « On peut lutter contre la mortalité entrainée par les cancers de l’enfant qui sont des tumeurs qui se développent sur des tissus embryonnaires depuis avant la naissance, en diagnostiquant précocement », renseigne-t-elle. Parce que, si la maladie est diagnostiquée très tard, les moyens de traitement restent excessivement chers et les traitements ne sont pas toujours accessibles dans certains pays pour certains cancers qui doivent utiliser la radiothérapie. En effet, sur les 47 pays africains, seuls 25 ont la radiothérapie. Raison pour laquelle, il faut l’accès aux traitements, si on veut se sauver de ce fléau.
Plusieurs disciplines pour le traitement
Pour traiter le cancer de l’enfant comme les autres cancers, il faut plusieurs disciplines, et une équipe de qualité. Mais aussi, les parents doivent gérer les complications de la maladie. C’est pourquoi, elle demande d’éviter l’abandon de traitements dont les causes sont énormes pouvant aller jusqu’à la perte en vie. « Il faut que l’enfant ait les traitements du début à la fin pour éviter le pire », a-t-elle fait comprendre. Pour elle, 8 cancers de l’enfant sur 10 peuvent être guéris en Afrique. Bien que, dans les pays développés, un taux de guérison de 80 % est possible. Ce qui fait que, dans ces régions, 4 enfants sur 5 guérissent des cancers de l’enfant, alors qu’en Afrique c’est 1 enfant sur 5 qui peut guérir de cette pathologie, ce qui est déplorable. « On peut prévenir les cancers de l’enfant et de l’adolescent, en mettant en œuvre des conseils simples, comme ne pas fumer, ne pas consommer de l’alcool », a-t-elle indiqué.
Abondant dans le même sens, Pr Atteby Jean Jacques Yao, chef du service d’oncologie pédiatrique à l’hôpital Mère Enfant de Bingerville (Côte d’Ivoire), de faire savoir que chez l’enfant quel que soit le type d’organe, de cellule, on peut avoir un cancer qui va naître. Pour lui, les cancers les plus fréquents en Afrique sont le cancer des ganglions, les leucémies qui sont les cancers du sang, les tumeurs d’organes, comme les lymphoblastes. « Parmi tous ces cancers, il y a un qui se démarque, c’est le cancer des ganglions (les lymphomes)», a-t-il déclaré.
Prenant l’exemple de la Côte d’Ivoire, il indique que l’ampleur des cancers chez l’enfant dans ce pays est aujourd’hui en moyenne 300 nouveaux cas diagnostiqués confirmés. «Dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne c’est presque le même tableau. Les cas varient entre 200-250. Sur les 300 cas diagnostiqués, sur les statistiques on attend un peu plus, soit 1 000 nouveaux cas de cancers mais on en diagnostique 200 à 300 cas, souligne-t-il. «Au niveau du centre Bingerville qui est privé à caractère publique et qui est le deuxième centre de cancérologie ouvert pour la pédiatrie, on enregistre chaque année, depuis l’ouverture il y a 5 ans, en moyenne 80 nouveaux cas qui sont hospitalisés dans l’unité oncologie pédiatrique. Nous recevrons tout type de cancer de l’enfant et de l’adolescent, des tumeurs solides, comme des cancers du sein également dans un environnement pédiatrique. Nous réalisons sur place la chimiothérapie et tout ce qui est volet chirurgical», a-t-il poursuivi.
Pour ce qui est de la radiothérapie, elle est faite en externe avec des collègues de radiothérapie d’Abidjan. Pour la plupart, ce sont des enfants reçus tardivement dans cet établissement de santé pédiatrique. «2 enfants sur 3 sont reçus à des étapes tardifs. Ce qui fait qu’on 40 % d’enfants en rémission avec
les traitements qui leur sont administrés », a-t-il conclu.