ENFANCE, PROGRESSION, STAFF, LA GESTION DE SON IMAGE ET DU RELATIONNEL
Modou Lô, les secrets de l’ascension fulgurante d’un
enfant prodige !
Dimanche 05 novembre, Modou Lô a terrassé Ama Baldé, conservant son titre de Roi des Arènes. Derrière son palmarès glorieux, se cache une détermination sans faille, une quête perpétuelle de perfectionnement. Lii Quotidien a tenté de cerner « les secret » de celui que les amateurs de lutte ont collé le sobriquet de « Xaragne » du fait de sa technicité.
Par Ousmane THIANE
Du haut de ses 38 ans, Modou Lô détient la couronne de Roi des Arènes depuis le 28 juillet 2019. Né le 28 décembre 1985 aux Parcelles assainies (Dakar), il a pu gravir les échelons et s’imposer malgré son jeune âge.
Et pourtant, rien ne lui prédestinait une carrière de lutteur. Après avoir abandonné l’école française en classe de CM2, il se consacre à l’apprentissage du coran. Dans le même temps, il apprend différents métiers comme maçon et soudeur.
C’est finalement dans la lutte que Modou Lô a su seforger une réputation. Durant sa carrière, la tête de file de l’écurie « Rock Energie » a remporté 21 victoires, fait une fois match nul et concédé 3 défaites, deux fois contre Balla Gaye 2 et contre Bombardier.
Khadim Gadiaga, Rock Energie : « Modou Lô a confirmé qu’il est une légende de la lutte »
Membre fondateur de l’Ecurie Rock Energie, Khadim Gadiaga est témoin de la prouesse de son ami avec qui il a cheminé depuis leur tendre enfance. « Modou Lô n’a jamais changé que ce soit dans son abnégation, sa détermination, ses entraînements et sa maîtrise en
matière de lutte. C’est ce qui fait de lui une personne exceptionnelle. Il aime sa religion et respecte la dignité humaine. Tout cela fait de lui un vrai champion. Aujourd’hui, Modou Lô a confirmé qu’il est une légende de la lutte. C’est une personne correcte, généreuse et surtout très lucide », témoigne-t-il.
Sa participation au CLAF, le déclic !
Journaliste sportif au quotidien Sunu Lamb, Iba Kane a suivi de très près la progression de Modou Lô. Pour ce spécialiste de la lutte, l’enfant des Parcelles a montré sa technicité en mbapatt (lutte simple, ndlr) mais il s’est révélé au monde lors de sa participation au
Championnat de lutte avec frappe (Claf) 2007-2008. Un tournoi qu’il a survolé en triomphant sur ses adversaires avant de s’adjuger le trophée. C’est d’ailleurs au sortir de cette compétition que ses fans lui ont collé le sobriquet de « Xaragne ». « C’est un lutteur
qui s’est illustré avant même de découvrir la lutte avec frappe. Lors de ce Claf où il a croisé Paul Mauris, Tapha Boy Bambara et Pape Sow, avant de battre Boy Kaïré en finale. C’est ce jour-là que sa carrière a vraiment décollé. C’est ce jour-là que les sénégalais ont
commencé à avoir un œil sur Modou Lô. C’est ce jour-là que le surnom de Xaragne Lô lui a été décerné. C’est ce jour-là que le Rock des Parcelles Assainies a montré qu’il va frapper la porte de la cour des grands », confie-t-il.
Abdoulaye Dembélé, coordonnateur à Sunu Lamb : « Modou Lô était prédestiné à un destin de roi »
Ce championnat de lutte avec frappe (Claf) a lancé la carrière de Modou Lô qui a confirmé contre Balla Diouf. Il avait alors Balla Gaye 2 dans son viseur. « Comme tout champion, il a toujours envie d’affronter les meilleurs. Après sa victoire contre Balla Diouf, le combat avec Balla Gaye 2 a été plébiscité et le 21 mars 2010 ça a été sa première défaite », rappelle Abdoulaye Dembélé, Coordonnateur à Sunu Lamb. Ce revers est resté en travers de la gorge de celui qui était à l’époque le porte étendard des Parcelles Assainies. « Quand Modou Lô a perdu contre Balla Gaye 2, il a pleuré dans l’enceinte et dans la voiture jusqu’aux Parcelles, parce que c’était un combat où il croisait son ennemi juré. Il a perdu les armes à la main », confesse Iba Kane. Modou Lô est sorti de ce duel déterminé et engagé pour la conquête du titre de roi des Arènes. Il affronte puis terrasse Baye Mandione dans la même année. « Souvent quand un lutteur perd un combat, on lui conseille de reculer pour mieux sauter mais c’est dans la même saison que Modou Lô avait décidé d’affronter Baye Mandione pour se relancer. Ça a été une belle consécration. Donc c’est un gagneur, il n’avait pas digéré sa défaite contre Balla Gaye 2. Ça été réclamé en 2019, il avait perdu mais bien avant en 2015. Il était prédestiné à un destin de roi parce qu’il avait les compétences techniques, il avait tout pour devenir le roi des arènes comme les autres comme Balla Gaye 2. Il a été mis aux prises avec Bombardier en 2015 mais malheureusement il a raté son premier rendez-vous royal. Mais Modou Lô c’est quelqu’un qui a le courage d’un Lion, il est très endurant, très régulier aux entraînements et très sûr de son potentiel, malgré sa petite taille », renchérit Abdoulaye Dembélé.
Roi des arènes à 34 ans, le couronnement d’une carrière glorieuse
C’est finalement, le 28 juillet 2019, que Modou Lô a réussi à s’installer sur le trône après avoir mis KO le roi d’alors, Eumeu Sène. La consécration pour celui qui n’avait que 12 ans d’expérience dans la lutte. Pour Iba Kane, ce n’est pas le fruit du hasard si Modou Lô a pu
remporter ce titre à l’âge de 33 ans. « Son secret c’est le travail. C’est un lutteur qui travaille, qui ne résigne pas aux entraînements. Il est toujours prêt parce que c’est un grand bosseur. Parmi les lutteurs qui sont actuellement dans l’arène, je pense qu’il est le plus grand bosseur avec Lac de Guiers 2 », explique-t-il. Khadim Gadiaga de Rock Energie rajoute que si Modou Lô a atteint ce niveau, c’est aussi grâce à sa régularité, mais aussi sa capacité de s’adapter tactiquement aux forces et faiblesses de ses adversaires malgré sa taille. Mieux, il dispose d’un Staff professionnel et rompu à la tâche. « Modou Lô n’a pas de complexe par rapport à sa taille. Beaucoup de lutteurs ont un complexe par rapport à leur taille et prennent des produits pour augmenter leurs poids mais ça n’a jamais été le cas pour lui. Il croit en lui et en sa force physique, sa vivacité, sa rapidité et son explosion qui sont le fruit de ses entraînements et la tactique et la technicité. Il a la
chance d’avoir un staff qui s’adapte à sa façon de vivre. Tout le monde connait son entourage. Modou Lô est toujours avec le même entraîneur Pape Mbaye avec qui il chemine depuis ses débuts dans la lutte avec les petits combats où l’on misait 40 000 francs Cfa. Il a aujourd’hui réussi à fédérer les Parcelles Assainies. C’est un vrai leader », relève M. Gadiaga.
Modou Lô, le professionnalisme à tout prix
Sa progression, Modou Lô la doit également à sa régularité aux entraînements, le sérieux dont il fait montre vis-à-vis de ses collaborateurs, par son envie perpétuelle de s’améliorer et d’étoffer tout ce qu’il a comme potentiel. Et pour le journaliste Abdoulaye Dembélé, le rôle de son Staff est aussi déterminant. « Modou Lô à un bon Staff. Il est entouré par de belles personnes, des gens comme Birame Gning, Ame Dicko, son entraîneur légendaire Pape Mbaye, en plus d’autres grands cadres comme Khadim Gadiaga. Ils avaient vraiment balisé la voie pour Modou Lô », souligne-t-il. A l’en croire, le lutteur a très tôt senti le
professionnalisme venir et il s’est donné les moyens de trouver d’autres entraîneurs afin d’être plus performants. Et sa stratégie a payé. « Quand il avait senti que son Staff de l’écurie ne lui suffisait plus pour s’imposer dans le haut niveau, il a cherché de nouvelles
compétences sur tous les domaines : sur le plan de la boxe, de la lutte gréco-romaine entre autres. Il a étoffé son capital technique par l’ouverture sur d’autres experts qu’ils soient établis aux Etats-Unis, en Italie, en France entre autres, Modou Lô est allé vers ces gens-là et ceux-là lui ont apporté un petit quelque chose qui a déjà bien étoffé les acquis qu’il avait bien avant de commencer à voyager », fait remarquer Abdoulaye Dembélé.
Une gestion de son image qui lui apporte satisfaction
Outre son professionnalisme, Modou Lô tient à son image. Celle-ci est un facteur déterminant dans sa carrière, dans la mesure où elle lui a fait gagner le cœur de beaucoup de mécènes qui n’hésitent pas à mettre la main dans la poche pour le soutenir financièrement dans la préparation de ces différents combats. « Il a su soigner son image. Même quand il doit taquiner un adversaire, il le faisait sous cape, c’est-à-dire que ce n’était pas à l’entendeur public. Tout ce qu’il faisait, il le faisait en douceur, parce qu’il veillait sur son image. Cela lui a permis d’avoir des mécènes partout, avoir des
personnalités de grands cœurs qui l’aident financièrement. Modou Lô peut avoir un combat et ne pas toucher un kopeck de son avance sur cachet ou de son cachet intégralement. Cela fait qu’il est toujours dans de très belles conditions de performances », révèle Abdoulaye Dembélé de Sunu Lamb.
Le relationnel, un facteur déterminant dans sa carrière
Notre interlocuteur indique que Modou Lô est également l’un des rares lutteurs à rester intact avec ses amis de débuts de carrières. « Parfois, il y a des lutteurs, après avoir atteint l’âge du succès, ils se chamaillent avec leur entourage. Et d’autres sont victimes de la division au niveau de leur Staff. Quand tu te sépares de beaucoup de personnes qui t’aidaient, après ils combattent contre toi, ils font tout leur possible pour que tu ne n’avances pas. Le relationnel a beaucoup œuvré sur la progression de Modou Lô. Papis Xaragne était un de ses supporters, un ami du petit frère de Modou Lô. Quand Modou Lô s’est rabaissé jusqu’à avoir ce jeune qui peut être son fils, l’avoir à ses côtés et avoir une pleine confiance de Papis, cela veut dire qu’il a une grande personnalité. Des lutteurs comme Balla Gaye 2, ils n’ont pas conservé les amis qui étaient là avec eux pendant des années. Donc Modou Lô, sur ce plan-là, il est exceptionnel », fait-il savoir.
En dehors de tout ça, M. Dembélé retient que « l’élément essentiel dans sa réussite c’est parce qu’il est quelqu’un qui croit en lui et qui cherche tout le temps à se perfectionner. Et cela quel que soit le coup, l’énergie à dépenser ».
Un lutteur en quête perpétuelle de perfectionnement
Désormais au sommet de son art avec le trône de Roi des Arènes qu’il conserve après sa récente victoire contre Ama Baldé, Modou Lô ne doit pas s’endormir sur ses lauriers. C’est du moins, l’avis d’Iba Kane. « Maintenant, il doit confirmer », indique le journaliste de Sunu Lamb. Qui souligne que cela doit inéluctablement passer par Boy Niang 2, son prochain adversaire le 1 er janvier 2024. « Il va encore faire une nouvelle incursion à Pikine face à Boy Niang. Boy Niang est attendu pour mettre fin à la razzia de Modou Lô à
Pikine, parce que Modou Lô c’est 4 combats quatre victoires contre les lutteurs Pikinois. Tout le monde attend la prochaine sortie de Modou Lô pour voir s’il va confirmer une nouvelle fois face à Boy Niang 2 qui reste un lutteur très tactique, très difficile à faire bouger, qui calcule ses combats. Donc ce sera un combat très difficile. Mais avec Modou Lô, il faut s’attendre à tout. Il peut créer une grosse surprise en battant Boy Niang 2 devant les Pikinois pour montrer qu’il est le vrai roi des arènes depuis Yekini », analyse-t-il.
Iba Kane, Sunu Lamb : « L’arène a encore besoin de Modou Lô pour 4 ou 5 ans encore »
Alors que d’aucuns pense que ce combat sera la dernière de Modou Lô avant qu’il ne parte à la retraite, Iba Kane croit dur comme fer que l’enfant des Parcelles pourra en découdre avec d’autres jeunes loups aux dents longues à l’image de Sa Thiès, Reug Reug ou des
ténors comme Tapha Tine et un éventuel Act 3 contre Eumeu Sène si ce dernier sort victorieux de son duel contre le géant du Baol le 12 novembre. « Il y a beaucoup de jeunes talents qui voudraient affronter Modou Lô et en les affrontant, il va gagner beaucoup de millions et je ne pense pas qu’il va jeter tout ça par la fenêtre pour ranger son Nguimb. Le monde de la lutte a encore besoin de Modou Lô pour quatre ans ou
cinq ans encore », dira-t-il.