La presse sait désormais à quoi s’en tenir avec les nouvelles autorités. Elles n’en ont cure du droit à l’information des Sénégalais et font déjà tout ce qui est en leur pouvoir, pour que les médias et les journalistes n’aient plus droit de cité au Sénégal. Et les entrepreneurs de presse qui ne l’ont pas encore compris courent vers leur propre perte.
Par Babacar DIONE
Toute entreprise de séduction engagée par le pouvoir, notamment par l’entremise du ministère de la Communication, n’est que dilatoire et une stratégie pour mieux ferrer la presse avant de l’achever.
D’où notre surprise d’entendre des patrons de presse, toute honte bue, se glorifier des miettes déboursées pour une dizaine de groupes de presse ou d’avoir une femme à la tête de l’ADPME.
69 millions pour le groupe futurs medias, ne représenteraient même pas un mois de fonctionnement pour le groupe de Youssou Ndour, et aucun parmi les autres groupes de presse n’a reçu la somme de 50 millions de FCfa.
Pendant ce temps, des services de l’Etat ont mis fin, de manière abusive, à des contrats les liant à des entreprises de presse ; alors que d’autres refusent tout bonnement d’honorer des factures dues à ces mêmes organes de presse.
Il faut juste comprendre les enjeux de l’heure et se mettre à l’évidence qu’aucune alliance, même circonstancielle, n’est possible avec les nouveaux tenants du pouvoir.
Face à leur volonté, désormais affichée, de réduire au silence toute voix dissonante ou discordante, la résistance est la seule voie qui s’offre à la presse sénégalaise.
Leur volonté n’est point d’organiser la profession de journaliste pour qu’elle soit plus reluisante. Si tel était le cas, Ils encadreraient les entreprises de presse pour leur mise aux normes et faciliteraient l’acquisition des documents nécessaires pour celles qui n’en ont pas.
Ne l’ont-ils pas fait pour les «thiak thiak» ou vélo moteurs ?
Au lieu de cela, ils se sont enfermés, ont pris au dépourvu les organes de presse et fixé leurs propres règles du jeu : un cachet «conforme» pour leurs amis et souteneurs et un autre, «non conforme», pour la presse qui refuse de s’aligner et d’être des valets du système Pastef. Tous les groupes de presse classiques comme D Media qu’ils n’ont pu éliminer, comptent plusieurs années d’existence et sont devenus une réalité sur la scène médiatique sénégalaise.
Interdire à la presse écrite, notamment aux quotidiens de digitaliser leurs supports, en s’arcboutant sur une disposition archaïque et erronée du code de la presse, est le plus grand mal que les autorités sont en train de causer aux médias.
En défendant cette posture, le pouvoir travaille pour les imprimeries au détriment des journalistes et de leurs organes. Dans un contexte ou la presse en papier est en train de disparaitre partout dans le monde et où les gouvernants, dont ceux du Sénégal, ont fini de faire de la digitalisation des procédures administratives une priorité, comment comprendre que la presse sénégalaise soit maintenue dans l’antiquité.
Le combat pour les autorités et pour la presse est moins dans le format des supports livrés que dans le contenu.
Jadis la référence en Afrique francophone, aujourd’hui balafrée, infiltrée et infestée par des intrus, en mission commandée depuis des états-majors politiques, la presse sénégalaise a l’obligation de résister pour survivre.
Parce que la liberté d’expression, garantie par la constitution, et le droit d’informer ne peuvent être sacrifiés sur l’autel d’une idéologie politique : le populisme.