LE SERMENT DE L’ÉVOLUTIONNAIRE… ( Par Issa Thioro Gueye)
Texte produit dans un contexte où la défaite de la pensée est provoquée par la victoire de la polémique.
Par Issa Thioro Gueye
MAGAZINE ATLANTIQUE PRESS
L’industrie de l’information et des réseaux incarne un pouvoir auquel on ne peut résister que par une contestation des images, des comptes rendus officiels et des justifications propagées par les médias de plus en plus puissants. Cette contestation ne se limite pas aux “porteurs et diffuseurs de nouvelles”, mais s’étend à des courants de pensée qui maintiennent un consensus sur l’actualité dans une perspective acceptable. Pour atteindre cet objectif, l’intellectuel doit fournir ce que Wright Mills appelle des « démasquages » ou des versions alternatives, par lesquels il s’efforce, dans la mesure de ses capacités, de dire la vérité. Ce que je définis comme étant un intellectuel n’est ni un pacificateur ni un constructeur de consensus, mais quelqu’un qui s’engage et prend des risques en remettant constamment en question les discours et les actions du pouvoir, ainsi que les idées conventionnelles. Il ne se contente pas de refuser passivement ces discours, mais s’engage activement à les critiquer publiquement.
Le choix auquel l’intellectuel est confronté est le suivant : soit il s’allie à la stabilité des vainqueurs et des dominants, soit – et c’est le chemin le plus difficile – il considère cette stabilité comme alarmante, une situation qui menace l’extinction totale des faibles et des perdants, et il prend en compte l’expérience de leur subordination ainsi que le souvenir des voix et des personnes oubliées.
On dit souvent que qui trop embrasse mal étreint. La politique dans son ensemble est actuellement une réalité grégaire, primitive et aléatoire. Outre les nuances, les pirouettes, les polémiques, le nihilisme, l’exubérance, c’est ce fait qui peut rendre malade une société dans son ensemble.
Aucune démocratie ne peut échapper à cela. Aucun média non plus ! Vouloir affirmer le contraire serait une grosse illusion. Aujourd’hui, plus que jamais, il est essentiel de faire tomber le mur des illusions démocratiques.
Je le crie toujours haut et fort dans l’espace public. J’ai toujours pensé qu’il fallait briser les murs pour reconnaître l’autre, l’autre que nous étiquetons souvent sans raison. L’autre dont nous négligeons, sans fondement, les valeurs.
J’ai toujours pensé cela car je ne soutiens pas les raccourcis. Par essence, d’après mon expérience, compte tenu de la routine et de l’Histoire, les raccourcis sont généralement impossibles à réaliser, car ils sont le fruit de cloisonnements illusoires imposés par les frontières et qui nous privent de liberté, même si je suis convaincu, avec profondeur et savoir, que la liberté est une absurdité et qu’elle n’existe pas. La liberté est un mirage, une promesse, elle est comparable à une terre promise. Elle n’est pas donnée, et c’est pourquoi il n’y a aucun sens à célébrer une journée mondiale de la liberté de la presse, par exemple.
Cette journée n’apporte rien. Quelle que soit la célébration des siècles passés, la liberté de la presse a toujours été bafouée et les journalistes continuent d’être persécutés. De 1789 à 1881, sur près d’un siècle, la liberté de la presse n’a été appliquée que pendant dix-neuf mois. Tout le reste du temps a été marqué par des attaques, des censures, des pressions, des détentions, des interdictions et des assassinats. Aujourd’hui encore, c’est le cas : la liberté de la presse est toujours mise à mal et reste une grande farce, une aliénation. On ne peut pas la réclamer, il faut la prendre. Mais prendre cette liberté a un prix élevé. Parfois, cela entraîne un holocauste et crée une histoire tristement célèbre.
C’est pourquoi il est important de souligner la Journée mondiale de la libre conscience et de la responsabilité. Pour moi, la responsabilité est primordiale. C’est la seule chose dont une personne dispose et peut s’attribuer : la responsabilité d’entreprendre, de porter une plume et de soutenir des idées. L'”Eclairisme” va dans ce sens. Ce concept commence et se termine par lui-même. Mais tout d’abord, écrire… Enfin, écrire. Un verbe troublant, pesant. Parfois passif, il est tout aussi actif et bavard mais, de plus en plus, herculéen. Il est si puissant, si intense qu’il confère l’immortalité. On pourrait même dire qu’il est divin. Le mot lui-même est éternel. Il résume l’existence et traduit l’essence. Ensuite, écrire. Toujours écrire. Un exercice fou.
Écrire est un détournement d’actions. C’est un métier exigeant, imprégné de valeurs. C’est le lieu des idées, le berceau du savoir. Il offre de nombreuses perspectives, tout comme le journalisme, qui peut mener à tout. C’est un maillon essentiel, pourrait-on dire. La floraison des compétences de milliers de personnes en dépend. Ce fait est fascinant, captivant. Il exprime la vie et évoque la survie. Je n’évoque pas seulement, j’écris…
En tant que plume de l’écrivain et de l’intellectuel, aurais-je en moi le flair de Simone de Beauvoir, le calme de Ying Chen, l’universalité des livres sacrés, la prophétie de Cheikh Anta Diop, la sagesse de Cheikhoul Khadim et de Mame Abdou, la raison de Senghor, la délicatesse d’Asturias, le génie de Marx, l’amour de La Mecque, du Vatican et de Jérusalem, le chœur de Gandhi ? En tant que plume du journaliste et du croyant, aurais-je en moi le cœur de Mohammed (PSL) et le nom du Christ ? Je suis un musulman respectueux de la foi catholique. Cette position est soutenue par une thèse tirée du saint Coran (sourate V : la table, verset 48) et avancée par le Père Michel Lelong dans son ouvrage intitulé “Si Dieu l’avait voulu” : “Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté. Mais Il a voulu vous éprouver par le don qu’Il vous a accordé. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions. Vous retournerez tous vers Dieu, puis Il vous éclairera sur vos divergences”.
J’écris aussi en tant que philanthrope, par conviction et militantisme. Une apologie de l’égalité. Un cri. Un appel. Une affirmation.
J’écris pour tout le monde, pour tous les peuples. Sans discrimination. Sans favoritisme, mais avec foi. La foi en soi. L’esprit de vie, exempt de haine et de rejet…
J’écris à partir d’un mélange éclectique de la foule, du regard de l’autre et du parfum du pluriel. Écrire, pour exprimer quoi dans un monde où les sujets ont été presque épuisés par les plumes illustres et prophétiques ?
Une question simple, mais une réponse complexe. Indéniablement, mon écriture réside dans la parole oubliée de mon avenir. Elle se trouve dans la Bible, le Coran, la Torah. Elle est présente partout où Dieu est Un, cette Unicité qui symbolise plus que tout autre chose, l’Ensemble-Suprême, cette Unité au caractère inqualifiable qui, en commençant, a écrit. Donc, j’écris…
Bien sûr, mes écrits sont un appel en faveur de la paix, de tout ce qui rapproche les uns des autres. Ils sont également un rejet de l’esprit belliqueux et de tout ce qui éloigne les peuples dans leur pluralité et dans leurs différences. Malheureusement, le monde ne parvient pas encore à s’arrêter et à s’observer. Il préfère avancer à reculons avec une moue, alors que la solution réside dans le sourire. Cherchez l’esprit dans le cerveau. Comprenez ainsi la société du savoir dans laquelle l’Éclairisme a été conçu…
J’écris pour ne pas oublier ma vie, pour révéler mes secrets… Ma plume se lève avec la nuit mais se referme avec le jour. Elle est un sourire et une foi qui s’expriment pour la clarté, l’éclat et la luminosité de la démocratie.
Justement, la démocratie ?
Elle ne réside pas dans le résultat d’une révolution, mais dans les conséquences d’une évolution.
Et moi, je suis dans le processus déterministe qui me pousse à quitter un point pour me diriger vers un autre.
En d’autres termes, en démocratie, on ne reste jamais figé. C’est une grande session de négociation qui exige des concessions.
Les négociations et les concessions vont de pair dans une société démocratique bien organisée.
La démocratie !
C’est un appel et un vœu pieux. J’oserai dire un aveu.
La démocratie : une actualité et une urgence. Une nécessité et une opportunité dans un monde où les tensions persistent…
Comme les sciences cliniques, elle est conçue pour diagnostiquer toutes les formes de déviances ancrées dans chaque société disposant de lois… Pour réprimer les velléités et guérir les maux de la raison et de la foi sur le divan. Pour reprendre l’expression inspirée de Freud sur la psychanalyse, selon laquelle nous sommes tous des libidineux du fait de l’inversion des lois et des systèmes, au rythme des relations entre les hommes, les sociétés, les pays et les continents… Pour instaurer une philosophie innovante et sacrée, sainte et glorieuse. Une philosophie qui aura réussi à bouleverser les habitudes et à raviver les capacités, la faculté des uns et des autres à entretenir des relations humaines et géographiques. Une philosophie qui sera capable de transformer les contre-normes en normes ; les fausses déductions sur le tableau noir, les hypothèses, les calculs et autres postulats de base en une pensée qui ne risque pas d’être négligée ; la “ruine de la raison” en une conviction debout.
En attendant, le tourmenteur peut conduire son autoritarisme au cimetière où il trouvera sa place. Car les démocrates survivent toujours à la menace.
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Issa Thioro GUEYE
Analyste politique, Expert en communication, Consultant-formateur en media-training