Quel gâchis !
Par Babacar DIONE
Les évènements malheureux de mars 2021 et du mois de juin dernier ont servi de viatique au président de la République pour dissoudre, par décret N° 2023-1407 du 31 juillet 2023, le parti politique Pastef.
Ces violentes manifestations, faisant suite, respectivement, à la convocation par la justice, d’Ousmane Sonko alors député à l’Assemblée nationale, et à sa condamnation à deux ans de prison ferme à l’issue du procès l’ayant opposé à la masseuse, Adji Sarr, constituent «un sérieux et permanent manquement aux obligations des partis politiques», selon le communiqué du ministre de l’Intérieur, tombé hier, lundi.
Une décision conforme aux dispositions de l’article 4 de la Constitution et de l’article 4 de la loi n° 81-17 du 06 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi n° 89- 36 du 12 octobre 1989.
Ainsi, Pastef n’aura vécu que 9 ans. De la date de sa création en 2014 à 2023, il aura toutefois marqué la scène politique sénégalaise. Jamais formation politique n’a pu rallier autant de militants et de sympathisants jeunes à sa cause.
En 1988, puis en 1993 et enfin en 2000, Me Abdoulaye Wade et le Parti démocratique sénégalais symbolisaient l’espoir d’une jeunesse qui commençait à subir les rigueurs de la vie. La sécheresse des années 70, les politiques d’ajustement structurel sous Diouf ainsi que la dévaluation du franc Cfa en janvier 94, ont été désastreuses pour les populations. Les exigences des institutions de Bretton Woods, notamment la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (Fmi) ont eu leur impact sur les politiques sociales du gouvernement : rigueur budgétaire au détriment de la santé et de l’éducation. Le front social était constamment en ébullition, l’université n’accueillait plus tous les bacheliers et les diplômés étaient au chômage. Le «sopi» (changement) était, pour la plupart d’entre eux, la promesse d’une vie meilleure. Leur rêve, maintes fois détruit, va croiser celui de la génération des années 90 pour se réaliser en 2000 avec l’accession de Me Abdoulaye Wade au pouvoir.
Un vent nouveau souffle à la présidentielle de 2019
Mais en 12 ans de règne, le pape du sopi, bien qu’ayant une vision très révolutionnaire, notamment dans l’édification d’infrastructures, a montré ses limites quant aux préoccupations majeures de sa jeunesse. Finalement, sa citation : « je préfère la jeunesse de mon pays aux milliards de l’étranger » ne s’est pas traduite dans sa gouvernance.
Le président Macky Sall a, lui aussi, buté sur les exigences de sa jeunesse qu’il n’a pu satisfaire durant ses deux mandats.
Un vent nouveau semblait avoir soufflé juste après la Présidentielle de 2019 où il n’y avait pas un candidat qui cristallisait l’espoir de la jeunesse. Mais les résultats prometteurs (15%) obtenus par Ousmane Sonko ont attiré l’attention de ceux qui pensaient que le leader de Pastef n’était pas encore prêt pour la présidence de la République. Les absences de Karim Wade et de Khalifa Sall, condamnés et mis hors circuit, et l’entrisme du leader de l’opposition, Idrissa Seck, ont positionné Ousmane Sonko comme le principal challenger de Macky Sall.
Le leader de Pastef n’a pas perdu de temps pour exploiter à fond cette nouvelle posture. A 49 ans, relativement jeune dans un pays où la moyenne d’âge est de 19 ans, un discours accrocheur et révolutionnaire, d’autres diront populiste, Sonko et Pastef ont su mettre à nu les errements des régimes qui se sont succédés au pouvoir et s’attirer la sympathie des nombreux laissés pour compte. L’espoir était dès lors permis pour qu’Ousmane Sonko soit élu 2024.
Plus qu’avec Abdoulaye Wade ou Macky Sall, les jeunes se sont accaparés du discours de leur jeune leader. Ils ont répondu présents à ses innombrables appels, ont cultivé pour lui, déboursé de l’argent pour payer ses voyages et autres dépenses… jamais un parti ou un leader politique n’a pu obtenir ce niveau d’engagement et de complicité avec ses militants.
Au plan électoral, cette forte adhésion s’est manifestée par des victoires de l’opposition, notamment de la coalition Yewwi drivée par Ousmane Sonko dans plusieurs grandes localités du pays et aux législatives de 2022.
Le PROJET
En revanche, qu’est-ce qu’Ousmane Sonko a apporté à cette jeunesse ?
Qu’est-ce que les jeunes ont-ils gagné durant ces années de compagnonnage avec le maire de Ziguinchor ?
Ils se sont battus, certains sont morts pour un projet aussi lugubre que sa dénomination : LE PROJET
A Pastef, il ne s’agit pas de programme, mais d’un projet dont le contenu échappe à la plupart de ses militants.
Un des responsables ne s’est-il pas fait propulser au-devant de la scène politique et médiatique depuis qu’il a annoncé que LE PROJET est d’amener les Sénégalais à se soumettre à Dieu et non à des personnes (marabouts ?). Il dévoilait ainsi la dimension religieuse, voire salafiste que beaucoup d’observateurs avaient commencé à constater dans le fonctionnement de Pastef. Une remarque devenue encore plus évidente avec les violentes manifestations qui ont touché Touba, la capitale du mouridisme, jusque-là épargnée par les soubresauts politiques au Sénégal. Un avertissement aux confréries ? Ce n’est pas un hasard si le Khalife général des Mourides s’est fait escorter par la gendarmerie nationale lors de la prière de Tabaski.
En outre, l’aspect ethnique et régionaliste est très présent dans LE PROJET de Pastef dans un pays qui se bat pour une paix définitive en Casamance et pour cimenter une nation qui a jusque là, résisté aux maux qui gangrènent les pays de la sous-région.
Ousmane Sonko voudrait perpétuer le combat du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (indépendantiste) qu’il ne s’y prendrait pas autrement.
Il a foulé du pied les institutions de la République en décidant de ne pas répondre aux convocations de la Justice, il s’est attaqué à l’armée nationale et à l’administration sénégalaise dont il était fonctionnaire avant d’en être radié.
Au cours de ces quatre dernières années, Ousmane Sonko a tout fait pour convaincre qu’il n’avait pas l’étoffe de diriger le pays de Léopold Sédar Senghor, d’Abdou Diouf et de Me Abdoulaye Wade.
Après la Présidentielle de 2019, alors qu’il était bien parti pour figurer parmi les favoris en 2024, Sonko n’a pas trouvé mieux à faire que de multiplier les visites dans un salon de massage et a entretenir des relations sexuelles avec des filles qui peuvent avoir l’âge de sa fille.
C’est cette bêtise qui lui a causé tous ses déboires et qui lui a valu hier, la dissolution de sa formation politique, Pastef. Quel gâchis !
Babacar DIONE